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Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle…

Samedi 22 juin 2019 à 07h

Un lecteur de Saint-Gervais-la-Forêt présente aujourd’hui un miroir dont il souhaite connaître l’origine. Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



La galerie des glaces de Versailles est probablement l’un des plus scintillants symboles du prestige de la France. Commandée par Louis XIV, le royaume développe un savoir-faire rare sous l’impulsion de son monarque. La réalisation de grands miroirs posait des difficultés techniques auxquelles la manufacture de Saint-Gobain, créée pour l’occasion par Colbert en 1665, a su répondre avec brio. Mais au-delà du rayonnement culturel, il s’agissait pour Louis XIV de concurrencer le centre historique de production des miroirs : Venise !

Le miroir est un objet possédant une surface suffisamment polie pour qu’une image s’y réfléchisse. Techniquement il s’agit d’une plaque métallique polie surmontée d’une plaque de verre comme support mécanique stable. Durant la Renaissance une méthode vise à recouvrir le verre d’un amalgame d’étain et de mercure. C’est cette technique qui fera le prestige de Venise au XVIème siècle.

La manufacture royale des glaces et miroirs, désormais Saint-Gobain, n’éclipsa pas les ateliers vénitiens et les miroirs de Venise sont aujourd’hui encore à la mode. Le miroir présenté par notre lecteur est octogonal. La bordure biseautée produit un encadrement en relief qui porte le nom de parclose. Ces miroirs à parcloses sont caractéristiques du XVIIème siècle. Aux extrémités inférieures et supérieures des motifs découpés d’agrafes et feuilles d’acanthes participent à illustrer ce style. Les parcloses sont ornées de motifs de branches aux fleurs épanouies et de motifs sphériques gravés dans le verre. L’aspect plus mat permet de détacher le motif par transparence. Sur certains miroirs plus précieux les motifs peuvent être églomisés, c’est-à-dire que l’on maintient une fine feuille d’argent ou d’or gravé à la pointe sèche sous le verre. Ce procédé est plus riche, plus beau, mais plus fragile.

Le revers du miroir de notre lecteur présente un encadrement en bois sombre, il s’agit probablement de poirier noirci. Sa patine nous conforte dans la datation probable de ce miroir, la première moitié du XXème siècle.
Si on parle de miroir vénitien, c’est avant tout en raison du décor gravé de motifs floraux et de la présence de parcloses, le cadre lui-même en miroir et son style rococo. Pourtant, ce type d’objet n’est pas forcément issu des ateliers des maîtres de Murano, mais d’une production industrielle internationale.

Ce miroir vénitien pourrait être estimé entre 150 et 200 euros s’il mesure environ 80 cm. Plus grand, sans accident, l’estimation pourrait être supérieure car ce type de miroir reste recherché par les décorateurs.
Autrefois produit de grand luxe, la commercialisation industrielle des miroirs a changé le rapport de l’Homme à son reflet, ne nous permettant pourtant pas, comme Narcisse, de rattraper notre propre image…
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