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Pistolet Sans Culotte !

Samedi 15 juin 2019 à 08h

Cette semaine, Joëlle sollicite Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, afin de connaître la valeur d’un pistolet.



C’est une grande famille que celle des pistolets ! Leurs formes multiples sont le fruit d’incessantes évolutions techniques, et ce depuis le XVe siècle. Ce sont des armes à feu dites « de poing » car on les tient d’une main pour tirer. Contrairement aux revolvers des westerns américains, le pistolet de Joëlle n’offre la possibilité de tirer qu’une seule balle avant de recharger. Son système de mise à feu est aisé à identifier : c’est un pistolet à silex. Son fonctionnement est simple : un « chien » enserre entre ses deux mâchoires un petit morceau de silex qui, en venant frotter une pièce de métal, crée des étincelles qui mettent le feu à la poudre noire, expulsant la balle de plomb : PAN ! Ce principe sera le seul utilisé depuis le XVe siècle jusqu’au début du XIXe siècle.

Outre la forme de cette arme, ce sont des inscriptions gravées qui nous permettent d’identifier ce pistolet avec certitude : « Mre de Libreville » / « M 1763 ». Un lieu, une date. Libreville… Voici de quoi étonner jusqu’aux plus forts en géographie. Alors non, ce pistolet n’a pas été fabriqué au Gabon… Mais dans une région moins exotique : les Ardennes ; et plus précisément à Charleville !

Cette ville abrite depuis le règne de Louis XIV une manufacture royale d’armes. Manufacture qui devient nationale à la Révolution. Durant cette période trouble, les sans-culottes décident de changer le nom de plusieurs villes françaises, et en particulier ceux faisant référence à la noblesse, à l’Église, et aux Saints. Charleville tire son nom de son fondateur : le duc Charles Ier de Nevers. Une origine bien trop noble. Hop ! Elle devient Libreville. Dans notre département, certains changements sont pour le moins étonnants : Montrichard devient Montégalité ; la Ferté-Saint-Aignan est changé en La Ferté-aux-Oignons ; Coulange est rebaptisé Cou-sans-Culotte ; adieu Villedieu-en-Beauce au profit de Commune-Être-Suprême ; quand à Vendôme, elle devient Vendôme-Régénéré. Et des exemples comme ceux-ci il en existe des centaines !

Revenons à nos moutons. Ce pistolet est donc né sous la Révolution et ne date par conséquent pas de 1763. Cette date correspond en réalité à l’année de la création de ce modèle de pistolet. Sa longueur, environ 40 cm, traduit une utilisation pour la cavalerie. Arme de défense et de harcèlement, il est livré en paire aux cavaliers en complément de leur sabre qui restait néanmoins leur arme principale. Il s’agit donc d’un pistolet d’arçon modèle 1763-1766 qui avait pourtant été remplacé en 1777 par un nouveau modèle… Mais à cette époque, la République est en guerre sur tous les fronts et a grand besoin d’armes. On relance donc la production du vieux modèle 1763-66, plus aisé et moins coûteux à fabriquer que le modèle 1777. Par souci d’économie, les pièces métalliques, que l’on nomme garnitures, sont en fer, un métal moins coûteux que le laiton présent sur les pistolets fabriqués antérieurement. On récupère également des éléments destinés théoriquement à d’autres pistolets, créant ainsi des modèles dits composites. C’est le cas du pistolet de Joëlle, dont le chien et le bassinet ne sont pas réglementaires. Ainsi, ce modèle renaîtra de ses cendres pour une petite dizaine d’années jusqu’à ce qu’il soit définitivement supplanté par le modèle An IX. Ce dernier, avec le légendaire modèle An XIII, feront la gloire de l’Empire jusqu’à la bataille de Waterloo dont on célèbrera le triste anniversaire mardi 18 juin.

Le pistolet de notre lectrice est « dans son jus », en état moyen. Les garnitures sont rouillées, voire piquées (rongées par la rouille). La crosse en noyer est fendue, et restaurée. Ces défauts font que cette arme peut être estimée entre 200 et 300 €. Et PAN sur l’Anglais !
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