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Poème de fer et de verre

Samedi 01 juin 2019

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à Olivier, de Monthou-sur-Bièvre, qui lui fait parvenir la photographie d’un vas qui appartenait à son grand-père.



Le vase d’Olivier est surprenant du fait des matériaux utilisés pour sa réalisation : du fer, et du verre ! Quelle association poétique de la robustesse à la fragilité ! En effet, l’armature de cet objet est faite de fer forgé. Rougi, incandescent, il est formé, martelé, puis soudé afin de former une cage métallique. Cette cage accueille bientôt le verre qui, en fusion, est soufflé en son sein. Il épouse la forme du vase, sort, se bombe entre les montants. Une fois le verre refroidi, l’un et l’autre seront unis à jamais, formant une véritable œuvre d’art.

Cette technique extraordinaire est le fruit de l’association de deux géants, de deux génies de l’école de Nancy, des arts décoratifs : Louis Majorelle et Antonin Daum. Le premier, d’abord ébéniste, crée un atelier de ferronnerie en 1890. Le second est à la tête d’une verrerie de renom fondée en 1878.Leur collaboration débute en 1890. Fidèles au principe « d’unité des arts » prôné par l’école de Nancy, ils commencent par créer ensemble des lampes fleurs dans la plus parfaite expression du style Art Nouveau. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, ils prennent le virage de ce nouveau style encore balbutiant : l’Art Déco, et mettent au point la technique de la « verrerie ferronnée ». Le vase d’Olivier en est un parfait exemple.

Adieu naturalisme figuratif ! Ici c’est la pureté de la ligne géométrisante qui compte, et la couleur. Ce ne sont plus les fleurs du décor qui mettent en valeur le vase, c’est le vase qui met en valeur les fleurs coupées qu’il accueille. C’est le matériau, le verre lui-même, qui s’offre au regard : ses teintes, ses nuances, ses marbrures. Ici c’est un fond rose poudré sur lequel vient se fondre par taches, en dégradé, du violet. Violet, prune, parme, améthyste, aubergine, zinzolin, glycine, etc. Ces vases d’une grande modernité, nés vers 1920 surprennent. Voici ce qu’en dit Léon Rosenthal, éminent critique d’art, en 1921 : « Je n’ose assurer que le résultat obtenu sois tout-à-fait satisfaisant mais il y a là (…) une indication intéressante ». Pour résumer, ce n’est pas vraiment à son goût mais c’est pas si mal que ça ! Et il ne sera pas le seul à trouver l’idée intéressante car nombre de verriers vont bien vite imiter Daum et Majorelle.

Ainsi, le vase d’Olivier est le fruit d’un suiveur de ces derniers. Il n‘a malheureusement pas pu identifier la signature de l’auteur de cette pièce. Bien que moins raffiné que les productions des maîtres en la matière, ce vase de belles dimensions (32 cm de hauteur) est le fruit d’un travail de qualité. Très décoratif, et plutôt à la mode de nos jours, il trouvera amateur entre 100 et 150 € s’il est en parfait état.
Il n’attend qu’une chose en ce premier jour de juin : des fleurs fraîches !
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