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Perette et son pot à lait

Samedi 18 mai 2019 à 07h

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à Georges, de Suèvres, qui l’interroge au sujet d’une grosse cruche.



Nos contenants ont bien changé en 70 ans ! Depuis la nuit des temps et jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les récipients sont en grande majorité faits en bois, métal, céramique ou verre. Et c’est tout ! Mais dans les années 1950 arrive en force un nouveau matériau à base de pétrole : le plastique. Jugé « fantastique » à l’époque, il constitue aujourd’hui un véritable désastre écologique. En plein Pacifique flottent 80 000 tonnes de plastique agglomérées en une monstrueuse masse formant un « septième continent » qui atteint trois fois la taille de la France. Fantastique disiez-vous ? Alors « on » cherche des solutions : biodégradabilité, recyclage, matières premières renouvelables… Le Trésor de Georges pourrait nous donner des idées…

Pas question de plastique pour cette imposante cruche ! Elle est faite d’un métal jaune brillant que vous aurez immédiatement reconnu : le laiton. Cet alliage de cuivre et de zinc, très ductile et malléable, se rencontre fréquemment dans la fabrication d’objets utilitaires. Et à chaque usage, sa forme : question pratique. Il ne s’agit pas ici d’un simple broc, cruche ou pichet à eau. C’est une canne à lait. Une canne ?! Un peu d’étymologie : le mot canne est employé en Normandie pour désigner un récipient depuis… les invasions Vikings et l’établissement des « Nordmans » dans cette région, au IXe siècle. Peu à peu, le terme se répand dans toute l’Europe.

Ce récipient est utilisé à la campagne pour transporter le lait depuis le lieu de la traite jusqu’à la crèmerie. Sa taille n’est pas le fruit du hasard. Elle correspond à une mesure précise. Les plus grosses peuvent contenir 12 litres de lait ! On la transporte à dos d’animaux, sur des carrioles, sur l’épaule et même sur la tête. La pauvre Perrette, de La Fontaine, n’aurait pas connu tant de malheurs si à la place d’une cruche en terre elle avait utilisé une canne en laiton ! À chaque région, une forme de canne différente.

Celle de notre lecteur présente une large panse, une anse latérale et un large col. Elle est normande, sans aucun doute ! Elle provient probablement de Villedieu-les-Poêles, capitale incontestée de la dinanderie. Si son fond est concave, c’est qu’elle était destinée à être portée sur l’épaule. Remarquez ces plaques soudées en partie inférieure, de couleur différente : ce sont des renforts, des restaurations. Elle a donc servi, et beaucoup ! Son col est d’ailleurs usé, elle présente de nombreux chocs, et le couvercle lui manque.

Les cuivres et autres ustensiles en laiton ne sont plus guère à la mode. Ainsi, cette canne à lait, en assez mauvais état, trouvera difficilement amateur au-delà de 20 € en brocante.
La canne à lait a été définitivement supplantée par le bidon en aluminium au milieu du XXe siècle. Et pourquoi tous ces objets utilitaires étalés sur les stands des brocanteurs ne reviendraient-ils pas pour supplanter leurs contemporains de plastique ?
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