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Un appel à la prière

Samedi 11 mai 2019 à 07h

Un lecteur de Naveil présente aujourd’hui une trompette dont il souhaite connaître l’origine. Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



« Dès l’arrivée du ramadan, les portes du Paradis s’ouvrent, celles de l’Enfer se ferment et les diables sont enchaînés. »
Depuis le dimanche 5 mai et jusqu’au mardi 4 juin, nos amis musulmans sont entrés dans leur mois saint, mois de charité, mois de jeune, il constitue l’un des cinq piliers de l’Islam. Au cours de la Nuit du Destin, l’un des grands évènements du Ramadan, l’archange Gabriel aurait révélé à Mahomet le Coran.

L’objet présenté par William est certes un instrument à vent mais il est avant tout un objet religieux !
Mesurant approximativement un mètre cinquante, cette trompette est constituée de trois parties en alliage cuivreux qui s’emboitent. Le décor incisé et martelé figure des rinceaux et des inscriptions en arabe sur plusieurs registres. On peut y lire la date 1231 en année hégirienne, soit 1815 du calendrier grégorien (le calendrier islamique débutant en 622 date de l’émigration du prophète à Médine), le nom de la ville de Meknès, et probablement le nom de l’artiste qui est illisible. Chacune des trois parties est dotée d’une bélière, un petit anneau permettant d’y placer une corde. Cette trompette marocaine porte le nom d’Anafil ou de Nafir.

L’instrument ne disposant pas de piston – à la manière d’une trompette - ni de système permettant de faire varier la longueur du tube - à la manière d’un trombone à coulisse - les possibilités de jeu sont limitées. La plupart du temps les Nafir permettent de jouer deux notes, généralement des « La » sur deux octaves, produisant ainsi une mélodie très identifiable. Au Maroc on utilise l’Anafil pour réveiller les croyants avant le lever du soleil. Son chant à travers la médina marque alors le début du jeune.

Les instruments à vent ont été utilisés durant des siècles comme des instruments de signal. Lointaine cousine de la busine médiévale, la trompette disparait en occident au profit de la corne d’appel. Sa subsistance se limite au monde musulman, où plutôt qu’un usage militaire, elle acquiert une fonction religieuse. Les inscriptions gravées sur notre trompette et son luxe décoratif ne nous trompent pas sur sa fonction liturgique. Datant du début du XIXe siècle, cette dernière est située à Meknès. Cette ancienne capitale, surnommée la Versailles du Maroc est l’une des villes les plus fastueuses de l’ancien Empire Almohade. On imagine le muezzin soufflé à plein poumons dans cette trompette pour appeler les fidèles à la piété.
Cet instrument ouvragé et ancien peut être estimé entre 300 et 500 euros. Dépassant par son décor sa seule fonction religieuse, il est aussi un très bel objet d’art. On peut aussi bien retrouver des instruments de ce type au Musée d’histoire juive de Gérone qu’aux Musées Royaux de Bruxelles.
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