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Le Département et le Chinonais vont-ils pouvoir acquérir le fameux livre de Rabelais ?

Lundi 03 juin 2019

La Nouvelle République, Malo Richard

La prochaine mise aux enchères d’une œuvre originale de François Rabelais a fait réagir du côté de Chinon. Mais son acquisition semble utopique.

C’est un ouvrage petit par sa dimension, mais précieux par sa rareté, qui commence à faire du bruit en Rabelaisie. Lundi dernier, nous annoncions dans nos colonnes la future mise aux enchères d’une œuvre originale d’exception du Gargantua et du Pantagruel de François Rabelais, au château d’Artigny, le 16 juin. Une édition de 1542, corrigée par Rabelais lui-même, que certains, du côté du Chinonais, verraient bien rejoindre la maison de Rabelais. « Revoir remonter à la surface une édition vieille de près de cinq siècles, c’est toujours étonnant, surprenant et intéressant, parce que c’est rare, sourit Alain Lecomte, directeur de la Devinière. C’est l’idée d’un trésor. »

La mise en vente du joyau (lire encart ci-dessous) a d’abord attiré l’œil de Jean-Luc Dupont, il y a deux bonnes semaines, lorsque celui-ci a reçu le catalogue des ventes. Le maire de Chinon et président de l’intercommunalité en fait tout de suite part à Ann Chevalier, vice-présidente en charge de la culture au sein de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire.

Un prix de départ entre 60.000 € et 80.000 €

Cette dernière et Alain Lecomte ont alors fait marcher leurs réseaux pour évaluer les chances du Département, propriétaire de la maison de Rabelais à Seuilly, d’acquérir ce bien, jusqu’à présent en possession d’une vieille famille tourangelle.

Ceux-ci se tournent notamment vers la Banque nationale de France, elle-même détentrice d’un des six autres exemplaires de cette édition hors-norme. Très vite, les intéressés comprennent qu’il va falloir casser la tirelire pour s’offrir ce chef-d’œuvre de la littérature. « J’ai en tête, dans la vente Pierre Bergé, une première édition d’un livre datant de 1546, qui est partie à 240.000 € », se souvient Alain Lecomte. Pour Jean-Luc Dupont, pas besoin d’aller jusque-là. « La mise à prix, estimée entre 60.000 et 80.000 €, nous éloigne très sereinement de la capacité de le faire venir chez nous. Le dernier ouvrage de cette nature à avoir été vendu était en moins bon état et est parti pour environ 120.000 €… »

Ann Chevalier, non plus, ne se montre guère optimiste, allant même jusqu’à affirmer sa tristesse que « cet objet ne reste pas dans la région tourangelle ». Car, médiatisée par ses organisateurs, la vente aux enchères va probablement attirer les convoitises. Le Conseil départemental devrait ainsi se heurter à la concurrence d’acheteurs étrangers, prêts à dépenser une fortune pour ce livre 7x11 cm. Mais pas que. La ville de Lyon, où Rabelais a fait éditer l’œuvre en question, pourrait aussi se manifester. Dans ces conditions, l’acquisition du Gargantua et du Pantagruel de François Rabelais, par le Département, relève de l’utopie. « J’ai demandé à Jean-Gérard Paumier, président du Conseil départemental, de se positionner sur un prix de retrait proche de la mise de départ, s’il n’y avait pas une envolée des prix », précise Jean-Luc Dupont, sans se faire trop d’illusions. Le seul scénario qui s’avère possible, pour espérer voir le joyau débarquer en Chinonais. Un scénario qui semble aujourd’hui relever du miracle…

Jusqu’où aller pour Rabelais ?

C’est la question que se sont posée les acteurs du patrimoine et les élus locaux, quand ils ont appris la mise aux enchères de ce joyau. Car, comme le dit si bien Alain Lecomte, « ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Il y a une cohérence à vouloir le faire venir en Rabelaisie, mais ça engage surtout les finances d’une collectivité », rappelle le directeur du musée Rabelais.

Pour Jean-Luc Dupont, un éventuel achat de l’œuvre engagerait surtout l’image des instances. « C’est une œuvre majeure qui a cinq siècles, un ouvrage important, mais il y a des principes de réalité. Car vous avez aussi la perception que les gens en ont, et en période Gilets jaunes, je ne suis pas sûr que le contexte tende à une certaine compréhension générale. Il faut être prudent et garder de la raison, tempère-t-il, avant de relativiser. On est attaché, d’un point de vue culturel à ce qu’il vienne renforcer l’attractivité de la Devinière, mais est-ce que ça en fera pour autant un outil qui permettra d’ameuter les foules ? Je n’en suis pas sûr. »

« Il ne faut pas non plus en faire un objet picrocholin, poursuit Alain Lecomte, tout en faisant référence au fameux personnage du Gargantua de Rabelais. Ce n’est pas le but. Il y a deux choses : le prix et la valeur. En termes de valeur, c’est très important au niveau patrimonial, en termes de prix, tout reste à faire. Et je crains qu’il soit proportionnel à la valeur de l’objet… » Réponse le 16 juin.
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