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Le dernier trésor de France aux enchères échauffe les esprits

Jeudi 02 mai 2019

Le Quotidien de l'Art, Rafael Pic

Le Quotidien de l'Art du 3 mai 2019
Le Quotidien de l'Art du 3 mai 2019

Mis en vente samedi par la maison Rouillac, cet ensemble d'une soixantaine de bijoux et d'objets usuels datant de l' Âge du fer sera probablement le dernier trésor gaulois à passer aux enchères, dans une ambiance polémique.

Habituée des coups d’éclat lors de sa garden party annuelle, la maison Rouillac ne s’attendait probablement pas à une telle agitation autour de sa vente du samedi 4 au château de Meung-sur-Loire. La dispersion de ces 65 objets en métal, déterrés en 2012 d’un champ à Tavers, dans le Loiret, a déchaîné une violente opposition, ponctuée de propos agressifs sur les réseaux sociaux. « Ce sont des propos dignes d’un combat verbal entre rappeurs, nous explique Aymeric Rouillac, appelant à jeter l’opprobre sur la vente, à la boycotter, à la pourrir, ce qui constitue un délit d’entrave aux enchères. Il a été suggéré d’inviter des gilets jaunes, de roter et de péter, et nous avons été traités de pilleurs, de receleurs, de bourgeois corrompus par le lucre. Alors que toutes les procédures ont été respectées et que la vente est juridiquement bordée... »

Découvert avant la loi du 7 juillet 2016

Il est vrai qu’il ne s’agit pas de n’importe quels objets mais d’un « trésor » : les 65 pièces en métal - 58 en alliage de cuivre, 7 en fer et plomb - ont 2 600 ans d’âge, sont étonnamment conservées et constituent un ensemble rare et significatif de l’époque gauloise. Il y a là cinq torques et six bracelets entiers, des anneaux de cheville, une épingle, trois haches, des fragments de vaisselle, etc. La découverte a eu lieu en février 2012, donc avant la fameuse loi du 7 juillet 2016 qui attribue à l’État (contre indemnisation) la propriété des objets mis au jour dans le sous-sol du territoire français. Ils appartiennent donc aux inventeurs (des chercheurs amateurs, qui ont utilisé des détecteurs de métaux) et aux propriétaires du terrain (un couple d’agriculteurs retraités), qui ont le droit d’en disposer. Du côté de la maison de ventes, on souligne que le trésor a été confié, dès sa découverte, à la DRAC du Loiret, qui a permis une longue étude des pièces par les spécialistes, de 2012 à 2018, sanctionné par la publication d’un rapport scientifique de 200 pages. Il s’agit potentiellement du dernier trésor d’envergure exhumé avant 2016, donc le dernier à pouvoir être légalement proposé aux enchères, ce qui
explique l’atmosphère particulière de cette vacation.

Classé trésor national

Pour Dominique Garcia, président de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), mis en cause par les Rouillac pour avoir lancé « une campagne de dénigrement » via twitter, « il ne s’agit pas d’empêcher la vente mais de s’insurger contre le buzz fait autour d’une découverte délictueuse par des détectoristes, sans autorisation préfectorale de fouille, et qui s’apparente donc à du pillage. » Il déplore également le traitement des objets lors d’une récente émission de télévision. « Les torques ont été essayés par une présentatrice, on a fait tintinnabuler les bracelets avec le marteau du commissaire- priseur, alors qu’ils s’agit d’objets archéologiques à manipuler avec précaution. Cela me rappelle Schliemann faisant porter par son épouse les bijoux découverts à Troie. » Pourquoi un accord n’a-t-il pas été trouvé avec l’administration ? Les commissaires-priseurs avancent que les propriétaires ont été traités sans égard et qu’il leur a été fait une offre d’achat médiocre (25 000 euros, selon nos informations) pour que l’ensemble entre dans les collections du Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. La maison de ventes a estimé de son côté le trésor entre 100 000 et 150 000 euros. « Nous avons choisi de le proposer en un seul lot pour préserver son intégrité, avec un prix de départ à 50 000 euros. » Classé trésor national par arrêté du 6 avril, il ne pourra de toute façon pas quitter le territoire national avant 30 mois, ce qui laisse le temps d’organiser son acquisition par une institution...

rouillac.com/fr
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