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Loiret : polémique autour de la vente d’un trésor gaulois découvert à Tavers

Mardi 23 avril 2019

France 3 centre, Amélie Rigodanzo

Le trésor archéologique de Tavers (Loiret) : Soixante-cinq éléments datant du premier âge du fer, dont cinq collier torques entiers et cinq autres fragmentaires, dix-huit bracelets dont six entiers, quatre anneaux de chevilles ou bracelets fragmentaires, une épingle à col de cygne, trois haches, un outil spécialisé, un fragment de vaisselle, des objets miniatures et polyvalents. / © Sarah De Grandis

Des parures et des armes datant du VIe siècle avant Jésus-Christ, découvertes en 2012 dans le champ d'un agriculteur à Tavers (Loiret), seront vendues aux enchères le 4 mai 2019 à Meung-sur-Loire. Une déchirure pour les archéologues qui dénoncent "un pillage archéologique".

Par Amélie Rigodanzo

Des colliers, des bracelets et quelques armes en alliage de cuir, de fer et de plomb. Au total, 65 pièces composent le trésor gaulois découvert en 2012 dans le champ d’un agriculteur de Tavers (Loiret).

Une découverte déclarée "trésor national" par le ministère de la culture en avril 2016, "certainement l’un des derniers trésors archéologiques français qui peut être vendu", déclarait le 17 avril dernier, Aymeric Rouillac, chargé de la vente aux enchères le 4 mai prochain à Meung-sur-Loire.

En effet, depuis 2016, la loi a changé. "Si vous trouvez un trésor dans votre champ, il ne vous appartient plus. Il appartient à l'État", expliquait le commissaire priseur.

Découvert en 2012, le trésor de Tavers échappe donc à cette nouvelle règlementation. Si la vente de ces objets et donc parfaitement légale, elle provoque cependant l’indignation des archéologues qui y voient, ni plus ni moins, que le recel d’un pillage.

Pierre-Yves Milcent est Archéologue et Maître de conférences à l'Université de Toulouse. Il était le responsable scientifique chargé de l'étude des objets de Tavers et avait procédé à des fouilles dans le champ où ont été découverts les objets. "Les articles dans la presse régionale indiquent que ces objets ont été retrouvés et qu'ils sont une aubaine pour leurs propriétaires. Mais ils ne disent pas qu'ils ont été trouvés lors du pillage d'un site archéologique", dénonce-t-il dans un écrit adressé aux journalistes.

Les auteurs de la découverte étaient dans l'illégalité

Joint par téléphone, l’archéologue nous détaille les conditions dans lesquelles s’est faite cette découverte. Ce sont deux "détectoristes" (des chercheurs de trésors qui utilisent des détecteurs de métaux) qui ont mis au jour ces objets.

Les propriétaires du champ, un couple d’agriculteurs, les avaient autorisés à sonder les lieux, mais les "chasseurs de trésors" n’avaient en revanche, pas d’autorisation préfectorale pour le faire. "Il s’agit bien d’un pillage dans le sens où ces vestiges doivent être exhumés par des spécialistes, des archéologues munis d’autorisations", explique Pierre-Yves Milcent.

L’archéologue déplore que de telles conditions de découverte ait empêché l’étude du site : "Ces objets ont perdu leur contexte historique. Quand ont-ils été confiés au sol ? Où étaient-ils situés ? De quelle façon étaient-ils déposés ? Pourquoi ont-ils été enterrés ?" Autant de questions qui resteront sans réponses.

De plus, ce spécialiste précise que "ce champ fait partie d’un site archéologique et répertorié comme tel depuis 1981. Il est même évoqué dans un ouvrage prisé des détectoristes et intitulé "La carte archéologique du Loiret ". Cette découverte ne devrait donc rien au hasard.

"On ne doit pas être complaisant vis-à-vis de de la détection illégale, sinon c’est l’encourager. On détruit de l’information archéologique." Explique Pierre-Yves Milcent qui, regrette amèrement de voir ces objets vendus à des particuliers.
"Notre but d’archéologues, c’est de pouvoir continuer à les étudier. Avec l’évolution des technologies, il y a toujours de nouvelles choses à apprendre et s’ils sont dispersés dans des collections privées, leur histoire s’achève, il ne reste plus que nos archives d’archéologues pour témoigner de leur existence."

La vente aux enchères aura lieu le 4 mai au château de Meung-sur-Loire. La mise à prix est fixée à 50.000 euros mais les enchères pourraient aller au-delà.

► Pour aller plus loin :

♦ Qu’est ce qu’un trésor ?

Selon l'article 716 du Code civil, "le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard."

Mais dans le cas du trésor gaulois de Tavers, ce sont des fouilles au détecteur de métaux qui ont permis sa découverte. Il ne s’agit donc pas de hasard. C’est pourquoi les archéologues parlent ici de « pillage » et non de découverte.

♦ Les fouilles au détecteur de métaux sont-elles interdites ?

L’article L542-1 du Code du patrimoine précise que "Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche."

Dans le cas du trésor de Tavers, les deux détectoristes avaient l’autorisation du propriétaire du champ mais n’avaient pas d’autorisation préfectorale.

♦ A qui appartient le trésor ?

Depuis le 7 juillet 2016, une nouvelle loi relative à "la liberté de la création, de l’architecture et du patrimoine", donne la primeur à l’Etat. L’article L541-5 de la loi n° 2016-925 prévoit en effet que le patrimoine archéologique appartient entièrement à l’Etat. Une indemnité peut tout de même être versée au propriétaire du terrain. Cela afin d’éviter que le fruit de la découverte soit dissimulé.

Découvert en 2012, le trésor de Tavers n’est pas soumis à cette loi. C'est donc la législation antérieure qui s’applique.

Si le trésor est bien découvert fortuitement, l'article 716 du Code civil, précise que le trésor appartient pour moitié au propriétaire du terrain et pour moitié à celui qui l’a découvert.

Mais dans le cas du trésor de Tavers ne s’agissant pas d’une découverte fortuite et s’agissant même, d’une découverte illégale, les détectoristes n’ont pu revendiquer leur part du butin.

♦ Et si le fruit de la découverte est classé "Trésor national" ?

Du fait de son classement "Trésor national" par la République française, il ne pourra pas quitter la France pendant trois ans pour permettre aux musées français d'en faire l'acquisition au prix du marché.

Mais cela veut aussi dire que si aucun musée n’en fait l’acquisition d’ici là, le trésor de Tavers pourrait bien être racheté par un collectionneur étranger à l’échéance de ces trois années.
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