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La Sainte Couronne à Notre Dame de Paris

Samedi 20 avril 2019

Christine, une Vendômoise, s’interroge à propos d’un tableau représentant Jésus portant sa croix. Le commissaire-priseur rappelle l’histoire de la Couronne du Christ.

Un Christ sur cuivre
Cette huile sur cuivre figurant le Christ portant sa croix est l’œuvre d’un peintre flamand du XVIIe siècle. De petit format, il s’agit d’un tableau de dévotion privée montrant une scène de la Passion. Déguisé en roi par les soldats romains à l’aide d’un manteau rouge et d’une couronne d’épines, Jésus porte sur son dos la croix avec laquelle il sera ensuite mis à mort. Cette couronne d’épines sur son front est la fameuse Sainte Couronne conservée à Notre Dame de Paris. Le dramatique incendie de cette cathédrale lundi soir a fait craindre pour ses trésors : chacun s’est réjoui que la Sainte Couronne ait été sauvée des flammes. De même, lorsque le coq qui surmonte la flèche détruite a été retrouvé sain et sauf mais cabossé, on a rappelé que cette girouette conserve de précieuses reliques dont une épine provenant de cette couronne. Pourquoi un tel engouement autour de cette fameuse couronne d’épines ? Après tout, il n’y a plus grand monde en dehors d’un excellent pâtissier vendômois à se souvenir que l’abbaye de la Trinité était elle aussi, célèbre pour sa Sainte Larme que le Christ avait versé en apprenant la mort de son ami Lazare ! 

Si l’authenticité de la relique parisienne ne remonterait qu’au IVe siècle, son existence ne fait-elle aucun doute pour les historiens. Le passage le plus célèbre qui la concerne est dans l’évangile de saint Jean au chapitre 19 : « « Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. Les soldats tressèrent une couronne d'épines qu'ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre ». Aux yeux de beaucoup, Jésus est un homme scandaleux : affirmant que sa royauté n’est pas de ce monde, il se proclame fils de Dieu mais est crucifié comme un esclave entre deux bandits. Ce fragile cercle de joncs de vingt-et-un centimètre de diamètre cristallise ce scandale d’un homme dieu et roi, mort et ressuscité. Il attire la vénération de ceux qui sont touchés pas le mystère de la Croix, qu’ils soient souffrants ou bien portants, des vauriens ou des gens de bien. Un accessoire de moquerie et de douleur devient le symbole d’un royal don divin. En ce sens, la Sainte Couronne est universelle et a toujours été considérée comme le trésor le plus précieux de tous ceux qui l’ont successivement conservée.

Elle est mentionnée en 409 dans la basilique du Mont Sion à Jérusalem, puis est transférée dans la chapelle impériale de Constantinople au VIIe siècle. Six cent ans plus tard, la relique est gagée par l’empereur Baudouin II de Courtenay auprès des richissimes banquiers vénitiens pour financer une guerre. Lorsque le roi de France Louis IX l’apprend, il propose à l’empereur de l’acheter et de rembourser le prêt. C’est chose faite en 1238 pour la somme faramineuse de 135 000 livres tournois : soit la moitié des revenus personnels annuels du futur saint Louis ! Frappée en pièces de monnaie à Tours, cette somme représente onze tonnes d’argent, équivalent alors à plus de neuf cent neuf kilos d’or fin ! À titre de comparaison, la construction de l’église de la Sainte Chapelle pour l’accueillir dure six ans et ne coûte « que » 40 000 livres tournois ! C’est l’objet mobilier toutes catégories confondues le plus cher jamais vendu de tous les temps. L’acquisition de cette Sainte Couronne confère immédiatement au roi de France une aura sans équivalent. Généreux, il offre des épines à ceux qu’il veut fidéliser. On dénombre ainsi pas moins de soixante-dix épines à travers le monde provenant de cette couronne !

Voilà ainsi la double explication spirituelle et matérielle des inquiétudes concernant la couronne d’épines, qui est conservée à Notre Dame depuis 1806 et qu’on retrouve sur le tableau de notre lectrice. Poignante évocation de la Semaine Sainte qui s’achève dimanche dans la joie de la Résurrection, on se doute que le tableau de Christine ne représente pas la même valeur que la Sainte Couronne.… Sous réserve de confirmer son authenticité, il pourrait se vendre autour de 300 euros en vente publique. Sans connaitre l’équivalent de cette somme en kilos d’or ou de chocolat, c’est l’occasion de vous souhaiter une belle fête de Pâques !
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