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Une belle au faux-dormant !

Samedi 13 avril 2019 à 07h

Étienne présente aujourd’hui une armoire dont il souhaite connaître la région d’origine. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Avant l’arrivée des suédois chaque région se dotait d’une particularité stylistique qui permettait d’identifier sa production avec plus ou moins de facilité. L’armoire de notre lecteur, ne vient pas de la taïga scandinave mais bel et bien de nos forêts giboyeuses du Val-de-Loire. Mesurant probablement plus de deux mètres de haut, ce meuble robuste est en noyer massif. Se patinant avec le temps il peut prendre des reflets miel. De forme plutôt rectiligne, il arbore sur sa traverse inférieure découpée une coquille Saint-Jacques sculptée, accostée d’enroulements. L’ensemble repose sur deux pieds antérieurs droits et deux pieds postérieurs galbés. Les portes en panneaux sont chantournées de volutes dans la partie supérieure, ce qui n’est pas sans rappeler l’art rocaille du règne de Louis XV. Au contraire, son dormant, c’est-à-dire la partie immobile entre les portes, est ornée d’un triglyphe central. Cette mouluration à trois bandes évoque la monumentalité d’une colonne, effet très à la mode durant le règne de Louis XVI. Au-dessus des deux portes, une traverse sculptée révèle un vase fleuri d’où jaillissent deux rinceaux. La fleur difficile à identifier, pourrait évoquer la fritillaire pintade, espèce que nous pouvons toujours humer dans les jardins du Château de l’Islette en Touraine… Cependant, pour pouvoir catégoriquement attribuer notre meuble à une région, il faudrait l’observer dans son ensemble. L’armoire d’Étienne est incomplète ! Il lui manque sa corniche. Prenant parfois le nom de « chapeau de gendarme » en raison de sa forme, elle a peut-être était ôtée de notre meuble en raison de l’abaissement progressif de la hauteur des plafonds. Garnie de charnières et de deux serrures en fer forgé, on sait que les deux portes ne font pas la même dimension ! En effet, la serrure de gauche étant factice, nous en déduisons que seule la porte de droite permet d’introduire une clef. La partie centrale, décorée du triglyphe est donc solidaire de la porte gauche. Le montant central n’étant finalement pas immobile, on parle alors de faux-dormant !

L’armoire d’Étienne est un travail caractéristique des années 1830-1920. Mobilier abondant et rustique, l’armoire couplée avec un buffet bas, forment l’intérieur convenable du milieu du XIXe siècle en ville comme à la campagne. Ce siècle aime puiser dans les styles rétrospectifs sans se soucier des incohérences. Notre meuble emprunte son décor aux répertoires des règnes de Louis XV et Louis XVI, tout en s’en émancipant par l’utilisation de bois locaux et d’un marqueur régional : son vase garni de deux fleurs stylisées, que l’on retrouve dans le Val-de-Loire de Gien à Saumur. Si elle est complète cette armoire peut être estimée entre 100 et 200 euros. De quoi y cacher précieusement de nombreux livres de contes de Charles Perrault, de La belle au bois dormant, à la belle au faux-dormant !
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