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À cheval sur … mon tonneau !

Samedi 06 avril 2019

Cette semaine, Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Philippe qui souhaite connaître l’estimation d’un tableau de famille.



La Nouvelle République en a fait l’écho cette semaine, les vignes du Loir-et-Cher et de Touraine sont menacées par le gel ! C’est le branle-bas de combat dans nombre de vignobles, le souvenir des ravages causés par les gelées de 2016 et 2017 étant toujours amer. Ici on asperge d’eau, là les tours antigel tournent à plein régime tandis qu’ailleurs on s’apprête à allumer tas de paille et bougies géantes. À Montlouis-sur-Loire ce sont même six hélicoptères qui ont volé toute la nuit de mercredi à jeudi pour envoyer de l’air moins froid sur les ceps de vigne. Saint Vincent, le saint patron des vignerons, a dû voir s’offrir nombre de cierges… À moins que la vieille divinité antique du vin, Bacchus, n’ait été aussi sollicitée…!

C’est lui qui, sans aucun doute possible, est représenté sur le tableau de Philippe. Il est ici figuré sous les traits d’un beau jeune homme à la musculature parfaite. Ce dieu antique est souvent mis en scène dans des orgies scabreuses, tout-à-fait ivre, et arborant une bedaine rebondie, comme chez Rubens. Mais c’est là une vision romaine de la chose… Les Grecs, quant à eux, le vénèrent en père du théâtre et de la tragédie sous le nom de Dionysos ; loin de l’image d’ivrogne libidineux.

Ainsi, ce tableau nous montre une glorification du vin, et non de l’ivresse. L’éphèbe, couronné de feuilles de vigne, brandi de sa main gauche un verre rempli de vin blanc qu’il regarde avec fierté. Le fond bleu violacé est occupé par des pampres parallèles structurant la composition et invitant le regard vers un ciel dont l’astre serait la coupe. De sa main droite, il tient un thyrse, sorte de sceptre divin, sommé d’une pomme de pin et entouré de feuilles et grappes de raisin. Ce bâton magique a le pouvoir de faire pousser la vigne ! Presque nu, il est simplement vêtu d’une peau de léopard. Selon un intellectuel romain du IIIe siècle, « Bacchus aime le Léopard car c'est un animal excité, bondissant comme une bacchante ». Vous remarquerez que c’est ici un Romain qui parle, et non un Grec… Hormis cela, c’est également la position de notre Bacchus, à califourchon sur un tonneau de vin, qui est déroutante et quelque peu saugrenue, compte tenu de la dignité de son expression. En effet, pour se retrouver à cheval sur un tonneau, il faut avoir vidé quelques verres… ! Voilà qui n’est pas sans rappeler les fameux pichets dits « pot Jacquot » en faïence, souvent réalisés dans le Nord de la France au XVIIIe siècle. Ainsi, cette image célèbre à la fois la grandeur du vin, mais invite également à en goûter les plaisirs, faisant ainsi le lien entre Athènes et Rome.

C’est à Jean Montmessin que l’on doit cette belle composition. Il la signe et la date 1935 en bas à gauche. On connaît peu de choses de ce peintre-décorateur né à Mâcon en 1881 et mort dans cette même ville bourguignonne en 1946. Le musée mâconnais des Ursulines conserve une œuvre de lui, mais stylistiquement versée vers l’Art Nouveau et le symbolisme. Du reste, seuls quelques portraits et natures mortes sont connus mais aucun n’est jamais passé en vente aux enchères ! Nulle cote donc… Malgré tout, cette belle œuvre de grandes dimensions (130 x 80 cm) peut ravir tout amateur de vin, Bourguignon ou non. Elle peut ainsi être estimée entre 800 et 1 200 €. Puisse-t-elle donner force et courage à nos talentueux vignerons !
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