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Changement d'heure fleuri

Samedi 30 mars 2019 à 07h

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à José, de Salbris, qui s’interroge sur la valeur d’une garniture de cheminée.



La garniture de cheminée ! L’incontournable objet de toute demeure bourgeoise qui se respecte au XIXe siècle ! Composée de trois éléments, elle a pour vocation d’occuper la tablette supérieure de la cheminée. La pièce centrale est une pendule, presque invariablement, qui se trouve accompagnée de deux éléments identiques. Pour ces derniers, chaque artisan laisse libre-court à son imagination : candélabres, vases, lampes à pétrole, coupes, statuettes, pots-pourris... Et toutes les matières sont de la partie ! Bronze, bien sûr, mais aussi marbre, céramique et même bois et cristal.
La garniture, objet central de l’élément central de la pièce centrale de l’habitation, doit faire l’orgueil de son propriétaire, et en mettre plein la vue aux visiteurs ! La course au « qui mieux mieux » est lancée ! De fait, le mécanisme horloger est souvent oublié au profit de l’ornementation. Les musées de Versailles, du Louvre et d’Orsay en conservent de spectaculaires, dont la richesse n’a d’égale que la pompe.

Vous vous en doutez, tout cela a un coût… Et le petit bourgeois n’a pas toujours la bourse du Grand, pour s’en offrir une en bronze. « Qu’à cela ne tienne mon bon Monsieur, nous vous livrerons la même, mais en régule, et pour une somme modique ! Vous n’y verrez que du feu ! ». Et en effet ça en jette ! Cet alliage à base de plomb (ou d’étain) et d’antimoine né au début du XXe siècle a l’avantage de pouvoir se patiner (ou se dorer) comme le bronze. En bel état, deux techniques vous permettent de les différencier : le poids et la couleur de l’alliage. Léger et argenté pour le régule, lourd et doré pour le bronze.

Inutile de gratter la garniture de José pour en avoir le cœur net. Les usures de patine dues aux réguliers époussetages d’une ménagère attentionnée découvrent une base grise. Elle se compose d’une pendule et de deux vases décoratifs qui reposent sur des bases de marbre clair bon marché, vraisemblablement de l’onyx. Cette pierre veinée fort à la mode entre 1850 et 1950 provient la plupart du temps d’Algérie. L’élément central est une sculpture de jeune femme assise, vêtue d’une robe longue regardant avec bonheur un amour déversant un panier de fleurs. Le mécanisme de la pendule est intégré dans une borne. On suit la course du temps à l’aide d’un cadran émaillé signé « J. Pratt Comptoir général ». Les vases de forme balustre sont de style Louis XVI. Leur ornementation de guirlandes de fleurs est parfaitement dans le thème, et pour cause !

Un cartouche indique le titre de l’œuvre : « Printemps fleuri ». L’auteur de ce sujet délicat l’a signé : « L&F Moreau ». Il s’agit en réalité de la collaboration de deux frères issus d’une dynastie de sculpteurs dijonnais : Louis Auguste (1855-1919) et Hippolyte François (1857-1930) Moreau. Cette signature est apposée sur les copies en régule de leurs œuvres en bronze. Et si ces dernières sont assez cotées, ce n’est malheureusement pas le cas des premières.
La pendule de José date des années 1910-1920. Le mécanisme est certainement très fiable mais il n’est pas l’œuvre d’un grand horloger. Quant au régule, sa patine est bien usée. Mais consolez-vous, même en parfait état, ce matériaux est boudé par le marché.
Ainsi cette pendule trouvera un heureux amateur en brocante pour une cinquantaine d’euros. Et il aura de plus la joie de vivre le changement d’heure, été comme hiver, avec cette allégorie du « Printemps fleuri » !
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