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LE RÉCHAUFEMENT CLIMATIQUE AU SERVICE DU MOUVEMENT PERTUEL

Samedi 02 mars 2019

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à Martine, de Cormeray, qui souhaite connaître l’histoire de sa pendule.



La quête du mouvement perpétuel est indissociable de l’histoire des sciences. Dès le monde antique, Aristote s’intéresse à cette caractéristique des astres qu’il juge divine. Léonard de Vinci, Descartes, Huygens émettent au fil des siècles des doutes quant à la possibilité même d’un tel mouvement. En 1775, l’Académie des sciences de Paris refuse d’examiner les machines basées sur ce concept jugé impossible. Et pourtant…

Pour les maîtres horloger, la précision des instruments et leur capacité à fonctionner sans être remontés sont les deux principales sources de perfectionnement possible. En 1928, Jean-Léon Reutter met au point un prototype d’horloge qui tire son énergie des variations de température et d’atmosphère : « l’Atmos 0 ». Cet ingénieur, qui consacre l’ensemble de sa vie à la création d’un mouvement quasi-perpétuel, réussit à comprimer un ressort par la seule dilatation d’une capsule de gaz. Ce gaz, le chlorure d’éthyle, permet d’alimenter la pendule pour deux jours avec seulement 1°C d’écart de température. Lorsque la température augmente, le gaz se dilate et le ressort se comprime ; lorsque celle-ci retombe, le gaz se condense et le ressort se relâche. L’horloge peut donc en principe fonctionner des siècles sans intervention de l’homme, grâce aux plus légères modifications climatiques. Que dire en cette période de réchauffement climatique ? L’invention ne rencontre malheureusement pas de succès commercial. Mais grâce à son association avec la très prestigieuse manufacture suisse Jaeger-Lecoultre, Reutter et Lecoultre développent ce qui devient la pendule des présidents. De Winston Churchill à J.F Kennedy en passant par le pape Jean-Paul II, l’horloge Atmos se retrouve sur les plus prestigieux bureaux du monde. La Confédération suisse adopte d’ailleurs ce modèle comme cadeau officiel pour ses hôtes de marque en 1950.

Le modèle présenté par Martine est bien une pendule Atmos originale… et pas n’importe laquelle ! Version de prestige, dite « Royale », elle est constituée d’un cabinet doré et d’un cadran circulaire argentée entouré de motifs gravés rayonnant. Le boitier est flanqué de plaques imitant le lapis-lazuli ; la corniche et le socle se répondent symétriquement, le tout reposant sur des boules aplaties en métal doré. Le cadran présente les heures en chiffres romains séparés par des fleurs de lys. Datant a priori d’une période située entre 1967 et 1984, le calibre de cette pendule doit être le classique « 526 » de Jaeger-Lecoultre. En parfait état de fonctionnant ce modèle pourrait être estimé entre 1 000 et 1 500 euros. Toutefois, puisque Martine nous signifie que celui-ci n’est pas en état de marche, l’estimation est à revoir fortement à la baisse. Probablement autour de 200 à 300 €. Bien que la version « Royale » soit un bel objet de décoration, l’Atmos est avant tout le résultat d’une prodigieuse ingénierie… si proche du chimérique mouvement perpétuel !
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