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Une vie à chasser des météorites

Jeudi 28 février 2019

Le Dauphiné Libéré, Sandie Bircan

20 ans après ses débuts avec les pierres extraterrestres, Gérard Merlier, le Gapençais, se sépare de sa collection lors d’une vente aux enchères astronomique. Itinéraire d’un chasseur de météorites.


Il est entré dans la recherche de météorites comme on entre en religion. Sa quête du Graal, c’est de trouver la météorite rare et celle qui contient une preuve de la vie extraterrestre. « D’un côté, je me dis que ça n’existe pas. De l’autre, je cherche pour prouver que ça existe. Je veux qu’on me prouve que ça existe. »

Gérard Merlier sourit de ses contradictions. « Je suis balance », lance-t-il dans son salon au décor saharien. Les matelas de tapissiers colorés se superposent à côté de maquettes soignées de bateaux.

Les photos de 4x4 dans le désert côtoient les insectes exotiques encadrés. 63 ans de passions s’entremêlent dans l’appartement sans prétention du collectionneur. Il a l’âme et le look du baroudeur. Yeux bleus rieurs, cheveux ramassés en queue-de-cheval, boucles d’oreilles et bagouses. L’allure de ceux qui ne se prennent pas la tête, le discours de ceux qui en ont dedans.

« Chasseur de météorites ? Je ne savais même pas que ça existait »

Près de 20 ans qu’il est passionné par ces « cailloux » de l’espace. Le « destin », dit-il. Dès les années 1980, Gérard Merlier se passionne pour les pierres et les minéraux. « Du Népal ou du Bangladesh, je rapportais des pierres semi-précieuses ou des minéraux , comme d’autres rapportent des souvenirs.»

Ses yeux s’illuminent quand il raconte son histoire, s’attendrissent quand il parle de la perte de sa femme, brusque, en 2000. « J’étais complètement déboussolé, je ne savais plus quoi faire, je suis parti dans le désert, au Maroc. » C’est en bivouac qu’il rencontre deux Français, deux chasseurs de météorites. « Je ne savais même pas que ça existait. Je pensais qu’on allait les chercher avec des sondes sur des astéroïdes. Je me suis dit “mon dieu, c’est le destin, c’est ça que je veux faire”. »

De recherches en expositions, il appréhende les météorites. De leur formation à leur composition, ses connaissances deviennent astronomiques. Un an plus tard, il tombe sur une agence qui propose une expédition dans le désert libyen pour une chasse aux météorites. « Ni une ni deux, j’ai fait mon sac. » Son voyage, il le fait avec Louis Carion, fils d’Alain Carion, le spécialiste français de la météorite. « Il m’a tout appris », dit-il.

Quand Gérard Merlier raconte ce premier voyage, il le revit. Avec délicatesse, il tire le bout de roche ébène d’un petit pochon en satin. « C’est la seule que je garde de ma collection . » Sa première météorite, qu’il a baptisée Théodore Monod, comme l’explorateur spécialiste du Sahara. « C’est tout petit, hein, ce n’est pas grand-chose », tempère-t-il. Pas grand chose par rapport à celle de 19 kg qu’il a trouvée plus tard, la pièce maîtresse de sa collection. Mais celle-là, il n’en parle pas et c’est révélateur de son humilité.

« À la recherche de la pierre philosophale »

Sur le plateau saharien, les chasseurs de météorites scrutent l’horizon lisse et plat à la recherche du caillou noir. « Vous ne vous imaginez pas les kilomètres que j’ai pu faire pour des crottes de chameau, un bout de pneu ou une boîte de conserve », plaisante Gérard Merlier. Sa première, il l’a trouvée au bout de trois jours. Encore un coup du « destin ». « Elle était sur mon chemin, là. Quand on marche et qu’on trouve une météorite, on l’a mise sur votre chemin, elle vous attend, elle est là depuis des milliers et des millions d’années. Elle a erré dans l’espace, elle a atterri là et c’est vous qui la trouvez. »

En 20 ans, il a parcouru le globe, autant que ses moyens de maçon le lui ont permis. « Dès que j’avais trois sous, je partais. » Une trentaine de fois en 15 ans dans le désert. Il glane aussi dans les foires, chez les pros, sur internet. Ce qu’il recherche, ce n’est pas l’argent, assure-t-il. « C’est plutôt la pierre philosophale. C’est trouver la pierre qui amènerait quelque chose à la science où on pourrait dire : il y a de la vie ailleurs que sur terre. » Par exemple, trouver un fossile ou un organisme à l’intérieur d’une météorite. « À chaque fois que je coupais, j’espérais trouver quelque chose. »

« Ça doit être ça, mon but, finalement. S’il y a de la vie ailleurs que sur terre, je vais trouver. Je suis un grand rêveur devant l’éternel, mais bon… ça fait un but dans la vie. » Et si un jour, il trouvait cette preuve ? Pour la première fois de l’entretien, Gérard Merlier sèche. « À vrai dire, je n’y ai jamais pensé », sourit-il.

Sandie BIRCAN

Une vente aux enchères pour « continuer »

« Si j’arrive à faire une belle vente, mon objectif est de repartir dans le désert, c’est sûr. Et j’ai un autre projet avec les météorites, mais c’est secret pour l’instant », glisse Gérard Merlier. 73 lots de tranches et de talons de météorites ont été mis en vente en ligne depuis le début du mois. Aujourd’hui, ce sont environ 80 pièces qui seront adjugées au marteau.

Une vente rarissime, un engouement « délirant »

« Cette vente est atypique parce qu’il s’agit de minéraux extraterrestres. La dernière vente de météorites en France a eu lieu en 2015 et elle était considérée comme étant la première », dé crypt e Aymeric Rouillac. Le commissaire-priseur attend avec « enthousiasme » cette vente unique qui a lieu aujourd’hui à la maison Rouillac, à Vendôme (Loir-et-Cher).

Une collection entière, de cette importance, c’est une vente rarissime. « Parfois, il y a quelques météorites, mais en dix ans, cela ne m’est arrivé qu’une fois, poursuit le commissaire-priseur. C’est aussi ce qui provoque l’engouement du public et des médias. C’est délirant, tous les journaux ont demandé le numéro de Gérard Merlier. Canal + va venir filmer la vente. C’est du jamais vu. »

« Machines à rêves »

Si la vente provoque un tel enthousiasme, c’est aussi par la personnalité de Gérard Merlier, estime Aymeric Rouillac. Le maçon retraité auquel « tout le monde peut s’identifier », en plus des météorites qui sont « des machines à rêves », font de Gérard Merlier « un chasseur de rêves ».

La pièce maîtresse est une chondrite (météorite commune) de 19 kg. « Chaque année, on n’en trouve qu’une dizaine de plus de 200 grammes, précise Aymeric Rouillac. La plupart se désintègrent avant d’atteindre la surface de la terre. »

Le commissaire-priseur est garant de l’authenticité des objets qu’il soumet à la vente. Alors, c’est avec un peu d’appréhension qu’il a accueilli la collection de Gérard Merlier. « Expertiser un tableau, je sais faire. Un meuble, je sais faire. Quand il s’agit de météorites, ce n’est pas évident. » Mais la collection n’est pas une inconnue puisque les découvertes de Gérard Merlier sont passées par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui a identifié chacune des pièces.

« Dans les médias, on parle “d’enchères stratosphériques”, mais c’est accessible à tous. » Les enchères ont commencé en début de mois, en ligne, avec des lots mis en vente à partir de 80 €. Aujourd’hui, place à la vente au marteau avec « une grande inconnue » : l’affluence dans la salle des ventes.

S.B.
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