FR
EN

À vos poëles !

Samedi 02 février 2019 à 07h

Cette semaine, Marie-Madeleine et Bernard, de Blois, écrivent à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, afin de connaître la valeur d’une petite cuisinière.



Aujourd’hui les poêles chauffent dans les cuisines et les foyers français s’animent de toute sorte d’exclamations, de cris, de rires. En effet, nous sommes quarante jours après Noël : c’est la chandeleur ! Et c’est du sérieux ! Bonheur et argent sont promis pour l’année entière à celui qui retournera sa crêpe correctement dans la poêle, après l’avoir fait tournoyer dans les airs. Cette antique tradition largement teintée de superstition nous vient des paysans de France. Si à la Chandeleur ils ne font point sauter de crêpes dans l’âtre, leur récolte risque d’être mauvaise. Une si belle coutume ne pouvait que séduire l’ensemble des Français qui eux aussi liaient la félicité de leur année à leur adresse dans le maniement de la poêle. Certains en firent les frais… En 1812, Napoléon fête la Chandeleur à la Malmaison. Lui aussi sacrifie à la tradition avec beaucoup de bonheur, annonçant qu’à chaque crêpe bien rattrapée correspondrait une grande victoire contre la Russie, qu’il s’apprête à envahir. Et de une ! Et de deux ! Et de trois ! Mais la quatrième s’écrase sur le sol... Smolensk ! La Moskowa ! Moscou ! La Bérézina…

Pourtant, cette fête ne puise pas son origine dans la gastronomie.
Des milliers d’années auparavant déjà, les Celtes et les Romains, faisaient à la même époque des processions aux flambeaux pour prier leurs dieux de la fertilité de leur donner de belles moissons. Dans l’Europe christianisée du Ve siècle, sous l’impulsion du pape Gélase Ier, les flambeaux se transforment en chandelles et la procession en plein air se termine dans l’église. Aujourd’hui encore l’Église catholique célèbre la fête de la Présentation de Jésus au Temple. Le symbole est clair, le Christ est « lumière des Nations ». Le même pape Gélase avait coutume d’offrir des crêpes aux pèlerins venant à Rome. La boucle est bouclée.

Marie-Madeleine et Bernard nous fournissent de quoi cuire les galettes : une vieille cuisinière en fonte de fer laquée gris ! Les Loir-et-Chériens auront reconnu la marque de la célèbre fonderie Genevée, de Fréteval, à laquelle nous avons consacré un articlé en novembre 2018. Fonctionnant au bois, elle est munie de deux plaques de cuisson et d’un four. On distingue à l’arrière de la plaque un orifice circulaire sur lequel venait se brancher le tuyau d’évacuation. Elle reçoit un élégant décor géométrisant de fleurs et feuillages typique du style Art Déco, en vogue dans les années 1920-1940. Perchée sur de hauts pieds, elle reste cependant de petite taille : elle ne mesure que 63 cm de haut ! Il s’agit vraisemblablement d’un… jouet ! Les normes de sécurité n’étant, il y a une centaine d’années, pas ce qu’elles sont aujourd’hui, nos grands-mères pouvaient faire comme leur maman, pour de vrai ! Et il y a fort à parier que les établissements Genevée produisaient le même modèle pour adulte.

Cette cuisinière n’est pas très luxueuse mais à une valeur potentiellement supérieure aux « grands modèles » ! En bon état, elle peut être estimée entre 50 et 80 €.
Sa petite taille fait d’elle un instrument fort pratique pour un tout autre type de cuisine : celle de la bande des « Chauffeurs d’Orchaise ». Ils terrorisaient autrefois la Beauce, pénétrant dans les fermes et brûlant les pieds des paysans jusqu’à ce qu’ils dévoilent l’endroit où était caché leur or… !
Contentons-nous aujourd’hui de faire sauter les crêpes avec adresse pour une année faste !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :