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Fragrances Nippones

Samedi 12 janvier 2019 à 07h

Cette semaine, Marie-Odile écrit à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire, afin de connaître l’histoire d’un « petit vase ».



Cet objet se compose d’un dôme ajouré qui repose sur un corps de forme hexagonale muni de trois petits pieds. Il est en porcelaine et reçoit un décor émaillé polychrome en léger relief de personnages assis en tailleur sur fond bordeaux. L’ensemble est agrémenté de figures géométrisantes telles que croisillons et rais de perles. Marie-Odile pense qu’il s’agit d’un vase. La base pourrait en effet être remplie d’eau et le dôme garni de fleurs à la manière… d’un pique-fleurs ! Mais telle n’est pas la fonction première de cet objet car il s’agit d’un brûle-parfum. La semaine dernière, cette rubrique évoquait le Japon grâce au Journal des Voyages. Eh bien nous vous y transportons aujourd’hui puisque notre objet est né au pays du soleil levant.

À la vue du décor, polychrome sur fond ivoire, aucun doute sur le centre de production : il s’agit de Satsuma. Cette ancienne province est située sur l’île de Kyūshū, à l’extrême sud du Japon. Des céramistes talentueux y produisent des porcelaines dès le XVIe siècle. Ils vont ensuite parcourir le pays à la recherche de nouvelles techniques, comme celle du décor à l’or, qu’ils utilisent à partir de 1793. Les Français découvrent cette merveilleuse production à l’occasion de l’exposition universelle de 1867 qui se tient à Paris ; et sont conquis ! Les commandes à l’exportation affluent et Satsuma devient bientôt l’un des centres céramistes les plus importants du Japon, toujours actif de nos jours.

En bons occidentaux, vous me demanderez à quoi peut bien servir ce type de brûle-parfum, bien éloigné de la lampe Berger… Eh bien au Japon, brûler de l’encens ne se résume pas à embaumer son intérieur d’agréables senteurs, il s’agit d’un véritable art. Tout le monde connaît, ne serait-ce que de nom, la cérémonie du thé. Elle est l’un des trois « Geido » ou arts raffinés. Il faut y ajouter l’art d’arranger les fleurs, et le Kôdô, la « voie de l’encens ». À travers ce rituel très structuré et codifié, né sous l’impulsion de nobles japonais, il s’agit d’humer, et d’écouter, des bois précieux en train de se consumer. Toujours pratiqué de nos jours selon des règles du XVe siècle, les convives se réunissent au sein de véritables réceptions - voire même de compétitions - mondaines afin de sentir tour à tour l’encens qui se dégage du brûle-parfum. À chacun de commenter puis d’identifier de quel(s) bois il provient : Agar, cèdre, cyprès, giroflier, sental… Mais n’imaginez pas pouvoir jouer à ce « jeu » immédiatement. Tandis que la cérémonie du thé nécessite 15 ans d’apprentissage, il n’en faut pas moins du double pour celle de l’encens ! Et votre bourse doit être bien garnie car ces bois sont rares et hors de prix. Comptez jusqu’à 150 € du gramme, soit quatre fois plus cher que l’or !

Le brûle-parfum de Marie-Odile n’a probablement jamais été utilisé lors d’une de ces fabuleuses cérémonies qui lui préfèrent des objets plus raffinés. Remarquez qu’un émail jaune est substitué à la dorure à l’or fin, et que son décor est quelque peu maladroit. Datant du XXe siècle, il s’agit d’une production courante destiné à l’Occident qui ne trouvera guère d’amateur à plus de 10 €. Mais à défaut d’accueillir de l’encens, il pourra parfaitement faire office de pot-pourri !
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