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Rhum orantain !

Samedi 29 décembre 2018 à 07h

Cette semaine, Philippe Rouillac, commissaire-priseur, répond à Michel, de Vineuil, qui souhaite connaître l’histoire d’une bouteille de la distillerie romorantinaise de L. Firmain.



Celle qui faillit devenir la capitale du Royaume est l’écrin d’une célèbre anecdote. En 1521 pour l’épiphanie François Ier feint d’attaquer à Romorantin le château du « roi de la fève ». Il y reçoit par accident une bûche sur le menton. Pour cacher cette cicatrice, le roi se laisse pousser sa barbe, la rendant ainsi à la mode dans l’Europe entière. Pirate !
Comme à tout capitaine Haddock son litron de rhum, nous ne sommes pas surpris de trouver dans cette même ville une tradition de bouilleur. A la fin du XIXe siècle, la famille Romand-Girardot y crée leur distillerie. Vers 1925 Monsieur Firmain rachète l’entreprise et commercialise notre flacon. « Usine à vapeur », c’est-à-dire qu’une machine à vapeur entrainait les pales du moulin de broyage, conséquence de la mécanisation opérée lors de la révolution industrielle, nous n’avons pas d’autres informations sur cette entreprise pourtant médaillée à Paris, Nice, Châteauroux, Besançon ou Belfort de 1874 à 1894. La distillerie Girardot de Chissay-en-Touraine, bien connue sous l’appellation la « Fraise d’or », continue pour sa part à régaler nos papilles.

Le « Punch Rhum » est une fermentation de canne et de mélasse, élevé sous bois pendant dix-huit mois, il est ensuite mélangé avec des jus de fruits ou destiné à l’être. Notre bouteille est ciglée de l’écartelé de Romorantin : deux salamandres couronnées d'or sur un brasier de gueules croisées de quatre clefs d'argent passées en sautoir, blason surmonté d’une couronne royale fermée. Il ne vous échappe pas que la ville a pris pour emblème celui de François Ier : Nutrisco et Extinguo, « Je me nourris du bon feu, j’éteins le mauvais », magique salamandre…
Ce rhum et son histoire font écho à une terre viticole dont on oublie parfois l’importance. Le Loir-et-Cher est le berceau du Gamay de Bouze et du Côt. La replantation actuelle de vignes au château de Cheverny et de Chambord respecte les méthodes ancestrales. Elle met à l’honneur ces cépages auxquels on doit ajouter le « romorantin » importé en 1519 dans la ville éponyme par François Ier ! Les vins gouleyants d’Henry Marionnet sont réalisés à partir d’anciens pieds pré-phylloxériques. Faveur, ils sont aujourd’hui servis sur les tables de sa gracieuse majesté la reine d’Angleterre ou sur celles du palais de l’Élysée. Le Côt est lui largement cultivé en Argentine et au Chili. Nous devons saluer l’excellence de nos vignerons qui ont su, d’une part redécouvrir la richesse du Val de Loire, et d’autre part en exporter le fruit sur les terres du nouveau monde. Si François Ier commissionne en son temps Jacques Cartier pour découvrir de nouvelles terres en Amérique, le Côt du Loir-et-Cher se nourrit désormais de celles des côtes pacifiques.

Sans connaître son degré en alcool il est difficile de savoir si ce rhum est destiné à faire du punch ou s’il est déjà le fruit d’un mélange. Sans millésime mais avec un bon niveau, on peut l’estimer entre 30 et 50 €, peut-être davantage s’il titre à 40°.
Si cette bouteille est aujourd’hui introuvable, la région offre de riches alternatives pour festoyer comme François Ier. Toutefois, pour ne pas recevoir de bûche de votre voisin le 31 au soir, contredisez Musset : ne privilégiez pas l’ivresse mais les flacons du Loir-et-Cher !
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