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Un Mérois à l'Élysée !

Samedi 15 décembre 2018 à 07h

Cette semaine, Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Frédéric qui souhaite connaître la valeur d’une table en marbre.



C’est l’important plateau de marbre blanc à veines rosées que l’on remarque de prime abord sur cette table rectangulaire. Mesurant 1,80m de long par 1 mètre de large et 3,5 cm d’épaisseur, ce marbre pèse son poids ! Il lui faut donc un piètement assez solide pour supporter une telle charge ! Le fer forgé est ainsi tout indiqué. La technique de fabrication du fer forgé est très simple, tout est dans le titre ! Chauffé dans une forge, il est ensuite battu et mis en forme, notamment à l’aide de pinces. Ce procédé millénaire a diverses applications, dont la moindre n’est pas celle du mobilier. Le piètement de table de notre lecteur, formé de « S » adossés réunis par une entretoise. Ce motif très classique est directement inspiré des créations des XVII et XVIIIe siècles. La table de Frédéric ne date pas du règne du Roi Soleil. Elle vraisemblablement née dans les années 1940-1950. Il est un nom qui, pour cette époque, résonne comme celui du maître du fer forgé décoratif : Gilbert Poillerat.

Ce nom est d’autant plus important pour les Loir-et-Chériens puisque Poillerat est né à Mer en 1902. Diplômé de la prestigieuse École Boulle, il est embauché de 1921 à 1927 chez un monstre sacré du style Art Déco spécialisé dans la ferronnerie d’art : Edgar Brandt. À la différence de son employeur, Poillerat puise ses sources dans les ouvrages du XVIIe siècle auquel il ajoute sa patte. Ses meubles, rampes, garde-corps ou grands éléments architecturaux conjuguent solennité et grâce de la ligne. Il ajoute parfois des ornements figuratifs : fleurs, soleils, astrolabes ou encore massacres de cerf comme c’est le cas sur sa célèbre table visible à Paris, au Musée des Arts Décoratifs. Il joue avec les patines, vertes, mordorées, brunes et dore régulièrement des motifs à l’or fin. Pour ses créations, le ferronnier recours aux machines industrielles les plus perfectionnées, ce qui lui permet de réaliser de véritables tours de force. Parmi ses œuvres les plus célèbres, citons le mobilier du Maréchal de Lattre de Tassigny, les tables et consoles livrées en 1947 pour le palais de l’Élysée, la grille de la synagogue de Strasbourg ou encore ce tableau conservé au Centre Pompidou intitulé « Portrait de l’Oiseau qui n’existe pas ». Gilbert Poillerat décède en 1988.

Ce décorateur et ferronnier de génie nous laisse en héritage des pièces dignes de l’excellence de l’art français, dans la lignée des meilleurs artisans des XVII et XVIIIe siècle. Sa côte sur le marché de l’Art est aujourd’hui fort soutenue. Si la table de Frédéric était de Poillerat, elle pourrait se négocier plusieurs milliers d’euros. Cherchez sa signature, son nom en lettres capitales… On ne sait jamais ! Mais il y a fort peu de chance que vous trouviez quoi que soit. Son design n’est pas assez sophistiqué, on ne retrouve pas l’esprit du maître. De ce fait, difficile d’estimer cette table plus de 300 à 500 €.
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