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Au coin du feu

Samedi 17 novembre 2018 à 07h

Françoise écrit cette semaine de Saint-Sulpice à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, car elle s’interroge sur deux fauteuils dont elle ne connaît « ni l’époque, ni la valeur ».



Que de tissu ! C’est peut-être la première chose qui saute aux yeux lorsque l’on observe ces sièges à très haut dossier trapézoïdal légèrement violoné et généreusement rembourré. Il est en outre capitonné en trois parties séparées par des petites cordelettes nommées ganses. Le bois, noirci à l’origine, n’est quant à lui visible qu’au niveau de l’assise moulurée et des pieds. Au nombre de quatre, ils sont cambrés, terminés par un enroulement et sculptés d’un fleuron. L’assise est très basse, au ras du sol ! Voilà qui indique une utilisation bien particulière. Trêve de suspens, il s’agit de chauffeuses.
Non, la garniture ne recèle pas un mécanisme chauffant comme on en trouve dans certaines automobiles. Ce type de siège est destiné à être placé auprès de la cheminée, au plus près du foyer, pour se réchauffer. Difficile alors de s’y tenir correctement. Qu’importe ! Ces fauteuils sont faits pour se délasser, « pépère au coin du feu » si j’ose dire.
Si la chauffeuse apparaît au XVIIIe siècle, elle ne présente à cette époque pas de charmes aussi accueillants que ceux des fauteuils de notre lectrice. Ces dernières participent à une nouvelle vogue qui voit le jour dans les années 1830 : le confort. Auparavant, le mobilier traduit la puissance sociale de son propriétaire, sans cesse en représentation. Peu importe que l’on soit bien, il faut que l’on soit digne. Le meilleur exemple est le style Empire : masculin, solennel, inconfortable, ostentatoire. Le « cocooning » comme on dit aujourd’hui, n’a pas voix au chapitre !

J’emplois volontairement un terme anglais car c’est chez nos voisins d’outre-Manche que les artisans français vont aller chercher de nouvelles formes de sièges promptes à satisfaire cette envie somme toute assez bourgeoise : le confort. Ainsi, sous le règne de Louis-Philippe, le « Roi bourgeois », les codes changent et les intérieurs se peuplent de sièges faisant la part belle à la garniture
dans lesquels il fait bon s’écraser, voir même s’avachir ! Quel meilleur exemple que les chauffeuses de Françoise ?
Il est assez à la mode de nos jours de placer des « touches d’ancien » dans des intérieurs souvent très épurés. Du fait de la forme assez sobre de leur dossier et de la sculpture du piètement plutôt sage, ces sièges sont tout-à-fait susceptibles d’être recherchés pour un tel emploi. Une autre chose n’est pas négligeable : la garniture de velours cerise est en bon état. Le travail d’un bon tapissier se paie souvent plus cher que le siège lui-même. C’est la rançon du savoir-faire et de l’excellence de l’artisanat français. Elles ont en revanche perdu leurs roulettes d’origine qui permettaient de faciliter leur déplacement. Ainsi, nous pouvons estimer cette charmante paire de chauffeuses née dans le deuxième tiers du XIXe siècle entre 100 et 150 €.
Hop, avec une belle flambée, un bon plaid et une poêle à châtaignes, vous voilà parés pour affronter l’hiver !
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