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PASSAGE À L’HEURE SUISSE

Samedi 27 octobre 2018 à 07h

Cette semaine, un lecteur sollicite Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, pour estimer une pendule qu’il a trouvé dans un vide-maison.



Quatre petits pieds à enroulement, des courbes généreuses, un gros cadran de forme ronde et un chapeau sommé d’une sphère dorée. On retrouve cette sphère en partie inférieure du socle avec lequel se marie notre pendule. C’est ce que l’on nomme un cartel à poser. Il se pose sur un « cul-de-lampe » que l’on fixe au mur. La caisse en bois naturel verni est décorée de bouquets de fleurettes polychromes. Elle reçoit en outre des garnitures de laiton doré telles que pieds, encadrements, baguettes et sphères. Le cadran émaillé blanc indique les heures en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes. Il comporte deux trous de remontoir. L’un sert à remonter le mécanisme, l’autre la sonnerie. Il est signé « Eluxa / Silvin » et est marqué « Swiss made », « Fabriquée en Suisse ».

Un Suisse romand, surtout s’il est natif du canton de Neuchâtel, reconnaît cette pendule entre milles. Car la « neuchâteloise » est une institution chez nos voisins helvètes. C’est une production identitaire propre à ce canton situé à l’Ouest de la Confédération. Canton dans lequel se situe La Chaux-de-Fonds, une capitale horlogère historique.
La neuchâteloise fait son entrée dans les foyers suisses au tout début du XVIIIe siècle. Mais seules les personnes aisées peuvent s’offrir ce fleuron de technologie. Notre pendule adopte son aspect typique entre 1720 et 1780. Et, non contente de faire l’orgueil des Suisses, elle s’exporte avec succès dans l’Europe entière du XVIIIe siècle via des colporteurs. Deux siècles plus tard, elle connaît un second âge d’or.

En effet, plusieurs horlogers perpétuent cette tradition sans varier d’un iota dans les techniques de fabrication et d’ornementation de leurs ancêtres. Dans les années 1960, il est admis que l’achat d’une neuchâteloise neuve de style Régence, Louis XV ou Louis XVI, est un excellent placement financier. Certains industriels des Trente Glorieuses ont d’ailleurs constitué de fabuleuses collections, faisant grimper les prix. Mais il n’en fut malheureusement rien… Ces pendules sont aujourd’hui complètement boudées… Un des derniers horlogers spécialisé dans les neuchâteloise vend aujourd’hui quelques 150 pendules par an contre 4 000 dans les années 1980 ! Seules certaines pièces du XVIIIe siècle, d’un grand horloger et avec un décor prestigieux trouvent encore acquéreur à plusieurs milliers (voir dizaines de milliers) d’euros.

Ce n’est malheureusement pas le cas de la pendule de notre lecteur. Elle n’est pas « Made in China » et ne fonctionne pas à l’aide de piles. Elle vient des ateliers de la maison Yverdon-Eluxa située dans le canton de Neuchâtel. Réalisée il y a probablement 30 ou 40 ans dans le style Louis XV, elle est toujours commercialisée aujourd’hui pour un peu moins de 2 500 €. Vous aurez en revanche grand mal à en tirer le dixième en brocante… Comptez entre 100 et 200 €.

Elle aura cependant le mérite de vous accompagner avec élégance et précision lors de ce – dernier ? - passage à l’heure d’hiver !
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