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UN TRÉSOR « BANCAL » !

Samedi 20 octobre 2018 à 07h

Cette semaine, Marie-Josèphe, de Vineuil, nous emmène sur les champs de bataille en interrogeant Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, sur la valeur d’un sabre.



Les sabres sont des armes blanches frappant d’estoc (de la pointe) et de taille (avec le tranchant). On les différencie aisément des épées à ce qu’ils possèdent une large lame plate, souvent courbe et ne tranchant généralement que d’un côté. Présents dans nombre de cultures, parfois depuis des milliers d’années, les sabres fascinent. Citons ceux des samouraïs, légendaires ; ceux de Napoléon Ier, d’un luxe époustouflant ; sans oublier les fameux sabres laser des chevaliers Jedi. En France, c’est à la fin du règne de Louis XIV que certaines unités de cavalerie se voient officiellement dotées d’un sabre. Mais la réputation de cette arme ne sera portée au pinacle qu’un siècle plus tard, lors des formidables charges de cavalerie des guerres napoléoniennes avec son sabreur de Roi, Murat ! Sous l’Empire, il existe de très nombreux modèles réglementaires - c’est-à-dire imposés par l’État - étudiés en fonction de la spécialité des unités à qui ils sont destinés. Ainsi, la cavalerie légère est généralement équipée de sabres courbes à lame relativement fine tandis que la cavalerie lourde se voit pourvue de sabres massifs et droits appelés « lattes ». En parallèle, des officier supérieurs un tantinet « dandys » n’hésitent pas à se faire confectionner des armes quelque peu fantaisistes. Voilà qui devenait bien compliqué…

Tout cela est mis à plat sous le règne de Louis XVIII. En 1822 l’ensemble des sabres de cavalerie est remplacé par une seule et unique arme : le modèle dit de… 1822. Sa particularité est qu’elle possède une lame légèrement courbe, désignée « à la Montmorency ». Il n’est faut pas plus pour fâcher la cavalerie lourde, habituée aux sabres droits. Elle considère que la courbure est trop faible pour tailler correctement, et trop importante pour frapper d’estoc. Mécontents, les cavaliers surnomment bientôt leur nouveau sabre « le bancal ».

Et c’est un « bancal » qui est suspendu chez Marie-Josèphe. Sa monture en laiton autrefois doré présente une garde à trois branches. Un détail qui a son importance puisqu’il permet de le différencier du sabre de cavalerie lourde qui, lui, en a quatre. Ces dernières n’accueillent aucun décor. Il ne s’agit donc pas d’un modèle pour officier. La poignée en bois est recouverte de cuir de veau « saucissonné » par un fil de laiton que l’on nomme filigrane. Un détail qui trahit une arme destinée à la troupe. En effet, la poignée des officiers est en corne. La lame présente une signature « Manufacture Royale de Châtellerault » et une date : « Mai 1845 ». Cette manufacture est la plus importante de France depuis 1819. Le sabre possède son fourreau en tôle d’acier uni d’origine. Vérifiez que les numéros de celui-ci sont les mêmes que ceux frappés sur la garde, cela signifie qu’ils sont nés ensemble, ce qui est très important aux yeux des collectionneurs.
Ce sabre troupe de cavalerie légère modèle 1822 datant de l’époque Louis-Philippe n’est pas très rare car produit en grandes quantités. Il semble en bon état, et ne montre pas trop d’oxydation. À condition que la pointe de la lame ne soit ni cassée, ni retaillée, il peut être estimé entre 100 et 150 €.

Marie-Josèphe pensait qu’il s’agissait d’un sabre de gendarmerie. Elle n’était pas loin puisqu’il équipe aujourd’hui les gendarmes à cheval de la Garde Républicaine. Si le modèle 1822 n’a pas fait la gloire de l’Empire, il participe aujourd’hui à celle de la République, entourant le président lorsqu’il descend les Champs-Élysées, notamment le 14 juillet !
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