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Selles sur Cher au goût de l'Orient

Samedi 13 octobre 2018

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lève le voile sur un mystérieux coffre orné de plaques de faïence. Jean, de Vierzon, souhaite en connaître l’origine.



Jean nous indique d’emblée qu’il trouve ce meuble « bien particulier ». Nous ne pouvons que lui donner raison ! De forme rectangulaire, il est orné sur ses quatre faces de plaques de faïence émaillées polychrome. Le décor se compose de lettres majuscules qui se détachent sur un fond chocolat agrémenté de rinceaux feuillagés et fleuris. En façade, deux lettres, « CT » s’inscrivent dans un cartouche flanqué de palmes et tulipes stylisées sur fond bleu nuit. Les plaques étant placées dans un ordre quelque peu fantaisiste, le déchiffrage de l’inscription tient du puzzle. Après un petit effort, on peut lire : « CERAMIQUE D’ART ».

Vous vous en douter, ces plaques n’ont pas été faites pour ce meuble, il s’agit d’un réemploi. La personne qui en a fait l’acquisition ne savait probablement pas trop qu’en faire, mais souhaitait les conserver. Elle les a ainsi fait enchâsser dans un bâti en chêne mouluré reposant sur quatre pieds tournés réunis par une entretoise en X. D’assez grandes dimensions, il mesure 1mètre de large pour 84 cm de haut. Jean nous indique que son grand-père l’a acheté dans une vente aux enchères à Selles-sur-Cher en 1930. À cette époque, l’intérieur était recouvert d’une plaque de zinc, c’était donc une jardinière. L’aïeul de notre lecteur a trouvé bien plus commode de lui ajouter un couvercle pour en faire un coffre à linge.

Sans doute possible, ces plaques de faïence constituaient à l’origine l’enseigne d’une boutique, ou d’une manufacture. Leur décor floral trahit une inspiration orientale. En effet, ces rinceaux feuillagés et fleuris, ces palmes et tulipes sont directement empruntés au répertoire ornemental de la faïence turque d’Iznik, connue depuis le XVe siècle. Les arts décoratifs français du XIXe siècle sont friands de ces références orientalistes alors très en vogue. Rien d’étonnant alors à ce qu’un céramiste utilise ce décor pour signifier à ses client que ses créations sont à la mode !

Mais qui se cache derrière cette ornementation ? En Loir-et-Cher, ce sont évidemment les noms Ulysse, Balon et Thibault qui viennent à l’esprit. Mais en parcourant de long en large l’excellent et incontournable ouvrage de Martine Tissier de Mallerais, il apparaît qu’aucune faïence de Blois n’a jamais reçu un décor dans le goût d’Iznik. De plus, les couleurs ne sont pas celles de nos célèbres faïenceries départementales. En revanche, on y découvre les enseignes en plaques de faïence de Balon et Thibault. Celle de ce dernier indique « Fayence d’art ». Tiens, tiens…
Mais concernant les plaques de Jean, le mystère demeure entier. Une manufacture de l’Est comme Longwy où le décor inspiré d’Iznik était prisé. Peut-être portent-elles la marque d’une manufacture ? Pour en avoir le cœur net il faudrait les démonter et observer le verso. Une opération risquée… Prudence !

Vous l’aurez compris, la valeur de ce meuble réside dans ces plaques. En bon état et si elles n’ont pas été recoupées, nous pouvons estimer cet ensemble 150 à 200 €. Et peut-être un peu plus si l’on découvre le nom de la manufacture qui les a fait naître. Et dont elles étaient l’image. Force de l’image que vous pourrez découvrir aujourd’hui et demain à Blois dans le cadre des 21e Rendez-vous de l’Histoire.
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