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BELLE, BELLE, COMME LE JOUR !

Samedi 21 juillet 2018 à 07h

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à une lectrice qui se demande si sa statue a une « petite valeur ».



Que de volupté dans le geste de cette baigneuse qui, au sortir du bain, se sèche gracieusement.
Cette Vénus, née sous le règne de Louis XV, a bouleversé ses contemporains. Elle est le fruit d’une commande royale passée en 1755 par le marquis de Marigny, priétaire du château de Ménars et directeur des Bâtiments du Roi, l’équivalent de notre ministre de la Culture. Cet important marbre mesurant 1,74 m est exposé pour la première fois au Salon de 1767.
Écoutons Denis Diderot qui vient de la contempler : « Belle, belle, sublime figure ; ils disent même la plus belle, la plus parfaite figure de femme que les modernes aient faite ». Et il renchérit en louant ses épaules, son dos, ses bras.
Cette baigneuse est si parfaite que le Roi l’offre en 1772 à celle qu’il estime être la plus belle femme de son temps : sa maîtresse, Mme du Barry. Confisquée à la Révolution, elle entre au Louvre à la Restauration et peut encore y être admirée.
Elle est l’œuvre d’un sculpteur inconnu de son temps : Christophe-Gabriel Allegrain. Diderot dit de lui : "Eh bien cet Allegrain dont je n'avais jamais entendu parler, vient de faire une Vénus au bain qui fait l'admiration, même des maîtres de l'art." Coup de génie !

Vous me demanderez ce qui la différencie de tous ces nus féminins immortalisés dans le marbre depuis l’Antiquité. Car en effet, impossible de ne pas penser à la sculpture antique. Alors, où se cache le génie d’Allegrain ? Diderot qui, tel Pygmalion, est vraisemblablement tombé fou amoureux de cette baigneuse, pointe ce qui, précisément, la démarque des canons antiques : « quelles précieuses, quelles miraculeuses vérités de nature dans toutes ces parties ». En effet, le corps de la Vénus d’Allegrain est simple, naturel. Ce naturalisme des chairs illustré par des plis et bourrelets est dénué de toute idéalisation. Elle n’est pas déesse, elle est femme.

Au XIXe siècle, l’engouement pour cette sculpture est toujours aussi important, si bien que nombre d’artistes en réalisent des reproductions en marbre, en bronze ou encore en terre cuite comme c’est le cas pour celle de notre lectrice. Présentant de belles dimensions, probablement entre 60 et 80 cm, elle a été réalisée au cours de la seconde moitié du XIXe siècle par un sculpteur qui signe du nom du maître. Mais, soit il ne connait pas très bien Allegrain, soit l’orthographe n’est pas son fort car on lit… « Allégrin » ! Bien qu’une belle patine eut été préférable (elle en est dépouvue), cette reproduction, si elle est en parfait état, peut être estimée entre 250 et 350 €.
Songez à elle cet été, à la piscine ou à la plage, lorsque vous saisirez votre serviette après le bain !
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