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L'enfant retrouvé des frères Le Nain

Jeudi 05 juillet 2018

Les Petites Affiches, Betrand Gallimard Flavigny

Cette toile exécutée vers 1640 par les frères le Nain a été adjugée 3 596 000 €
L'enfant est agenouillé devant une croix étalée sur le sol. Trois dés et un linge sont posés sur l'une des extrémités de I'instrument de supplice. Le fond de la scène est dans l'ombre. Le garçon, la tête penchée, les traits marquant une certaine gravité, croise ses mains sur la poitrine. Ce tableau représente Le Christ enfant méditant sur la Passion (h/t 72x59 cm) exécuté par les frères Le Nain, tous nés à Laon(Antoine : avant 1600-Paris 1648, Louis : avant 1600-Paris 1648, Mathieu : avant 1607 Paris 1677). Classé « Trésor national », iI a été adjugé 3 596 000 € au château d’Artigny, le 10 juin dernier par la maison de vente Rouillac, assistée par le cabinet Turquin. ll provient de la descendance du capitaine d’infanterie et Mme Henri Loret (1862 1950) qui I’avait conservé dans leur demeure à Nantes.

«La réapparition de ce tableau inédit inconnu des spécialistes est un évènement dans l’histoire de la peinture française du XVIIe siècle » explique l’expert Eric Turquin. « Le thème de l’enfant Jésus agenouillé dans un paysage vespéral et méditant devant les instruments de la Passion, rarissime dans la peinture européenne, n’était pas signalé dans l’œuvre des Le Nain » poursuit-il. Ce tableau a resurgi à l’automne 2017 à l’occasion d’un inventaire dans l’ouest de la France. Encore sur sa toile d’origine, il s’agit non seulement d’une œuvre inconnue par la littérature mais son thème figurant le Christ enfant à l’âge de raison méditant sur la Croix est aussi inédit dans la peinture française du XVIIe siècle. Selon le commissaire-priseur Aymeric Rouillac, « il lève un coin du voile sur le mystère Le Nain et le rend incontournable pour la compréhension de la spiritualité de ces peintres et de leur siècle »

Examinant le tableau et l’enfant, Éric Turquin n’a pas douté de son authenticité : «Son visage méditatif, ses mèches blondes doucement agitées et ses yeux bleus chargés de mélancolie constituent une véritable signature des Le Nain : on les retrouve par exemple dans I’ange au centre de L’Adoration des bergers (Londres National Gallery) dans ceux à gauche de La Naissance de la Vierge (Paris cathédrale Notre Dame) et le garçonnet à droite dans La Famille de Paysans de la National Gallery of Art de Washington soit des tableaux datés par les historiens d’art du début des années 1640.

En ces années-là, la contre-réforme qui a notamment inspire les œuvres du Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio (1571-1610), avait pour objectif de faire reculer et disparaitre le protestantisme. Les artistes furent encouragés à montrer plus de réalisme dans leurs œuvres et à traduire une nouvelle forme de spiritualité. L’image devint un instrument essentiel de la propagation de la foi catholique. On le voit dans les églises et les couvents décorés à cette époque. Le culte de l’enfant Jésus devint I’un des axes de ce mouvement propagé notamment par les ordres du Carmel et de I’Oratoire. Ce culte connut en France une ampleur inédite au XVIIe siècle « Rompant avec les codes traditionnels mettant en scène les instruments de la Passion, les Le Nain font ici poser un de leurs modèles favoris tout juste sortie de la petite enfance » constate encore Aymeric Rouillac. On connaît par ailleurs, une gravure de Jérôme Wierix d’Anvers (1553-1619) qui figure Saint Louis de Gonzague méditant sur les instruments de la Passion (10 2x6 5 cm) conservée au Rijksmuseum à Amsterdam. On peut ainsi citer l’évangile de Saint Mathieu « Si vous ne devenez comme les petits enfants vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ».

Ce tableau, qui ne paraît pas avoir été référencé dans les inventaires anciens, ni être apparu sur le marché de I’art, n’était pas attribué et considéré comme mineur par ses propriétaires. ll a été sauvé à Paris en 2008 par un restaurateur puis, à nouveau par Laurence Calligari Baron, durant I’hiver 2017-2018. ll reste que I’identification du modèle atteste de sa proximité avec la fratrie des Le Nain tout au long des années 1635-1642.
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