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Pour un été sous le signe du coq !

Samedi 16 juin 2018 à 07h

Cette semaine, Robert de Pontlevoy interroge Me Philippe Rouillac, notre commissaire priseur, au sujet d’une tapisserie d’Aubusson achetée il y a presque cinquante ans.



Un coq stylisé à l’extrême et un papillon au pied d’une gerbe de blé rayonnante et de fleurs épanouies : aucun doute, cette tapisserie représente bien l’Été ! Ses couleurs dominantes sont le jaune et le rouge, ce qui renforce l’impression générale de chaleur. Le coq et le papillon sont deux animaux associés à la renaissance et donc au retour de l’été, l’un parce qu’il célèbre chaque matin le retour du soleil par son chant, l’autre par sa transformation lorsqu’il sort de sa chrysalide. Quant à la gerbe de blé, on la trouve souvent dans les représentations de la période estivale comme emblème de la déesse nourricière Cérès, favorisant les moissons. L’écoulement cyclique des saisons est un thème récurrent dans la tapisserie depuis le Moyen-Âge. Sous le règne de Louis XV, le grand peintre de natures mortes Jean Baptiste Oudry, directeur de la manufacture de Beauvais, laisse de beaux modèles sur ce thème.

À l’origine de toute tapisserie, on trouve le dessin généralement réalisé par un peintre et son atelier, le carton de tapisserie. Il est ensuite transmis aux liciers, les tapissiers qui doivent le restituer en tissant les fils de laine et de soie sur un métier. Les progrès de la teinture ont permis de multiplier les teintes. Alors qu’au Moyen Âge, on se limitait à une quinzaine de couleurs, on utilise au XVIIIe siècle mille gammes de trente-six tons, soit 36 000 couleurs ! Cette formidable avancée permet à la tapisserie d’imiter la peinture de manière fidèle. La tapisserie assume alors une triple fonction : pratique pour chauffer les pièces et isoler, décorative par ses couleurs éclatantes, somptuaire par le coût important de sa réalisation.

Le renouveau de la tapisserie française.

La tapisserie de Robert appartient à l’histoire d’une des manufactures les plus célèbres, celle d’Aubusson dont l’origine remonterait au XVe siècle et qui est devenue manufacture royale en 1665. Au milieu du XXe siècle, la tapisserie française connaît un renouveau avec la contribution d’artistes contemporains tels que le peintre et céramiste Jean Lurçat (1892-1966). Son crédo est de représenter dans le textile des formes synthétiques, des teintes vives avec d’importants contrastes de couleurs. Les motifs récurrents du coq et du soleil dans son œuvre renvoient fréquemment à des allégories du temps ou des saisons. Il initie Jean Picart Le Doux (1902-1982) qui donne à Aubusson plus de 200 cartons, notamment pour des tapisseries qui ornent le paquebot le Normandie. Avec ces artistes, l’art textile ne copie plus la peinture mais devient un moyen d’expression plastique à part entière ! Notre tapisserie de l’Été a été tissée mécaniquement dans l’Atelier d’art contemporain La Lice (AACLL), sous la direction artistique de Jean Picart Le Doux qui s’est entouré dans les années 1960 et 1970 d’autres artistes pour exécuter des cartons de tapisserie parmi lesquels Odette Caly, Jean Claude Duprez ou Pierre Rey, le créateur de notre carton. La tapisserie en laine de Robert est étiquetée au revers, signée par l’artiste et numérotée 245 sur 250 exemplaires sur le bolduc. Si elle n’est pas trop insolée et selon les dimensions, cette tapisserie pourrait être estimée en 60 et 100 euros. Souhaitons que ce coq porte chance à la France pour la Coupe du Monde qui débute !
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