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« Qu’est-ce que vous me chantez ? »

Samedi 23 juin 2018 à 07h

Cette semaine, Jean-Paul de Vernou-en-Sologne propose à Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, l’estimation d’un ancien phonographe.



Alors que la fête de la Musique battait son plein jeudi dernier, un lecteur mélomane nous donne l’occasion d’aborder l’histoire de l’enregistrement et de la diffusion du son. L’appareil de Jean Paul, ancêtre de nos lecteurs MP3, permet de lire de courts morceaux de musique d’environ deux minutes, gravés sur des cylindres en carton enduits de cire de carnauba (palmier brésilien). Ces bobines viennent se positionner sur le mandrin de forme tronconique et sont lus au moyen d’une pointe d’acier et d’une manivelle qui assure la rotation du cylindre. Le son est ensuite amplifié par un pavillon de tôle. Nous devons l’invention du premier appareil de lecture du son à l’Américain Thomas Edison, qui le brevète en 1877 sous le nom de phonographe.

La trouvaille d’Edison est bientôt diffusée dans le monde entier et est présentée en France en 1894 à la Foire de Vincennes. Cette prouesse technique impressionne les visiteurs, parmi lesquels se trouve Charles Pathé. Conquis par l’invention, il décide d’importer les phonographes américains pour les commercialiser sous son nom. Associé à son frère Émile, il lance une société qui réalise très vite son propre phonographe. Ce sont les débuts de la société « Pathé Frères » qui devient en 1897 la Compagnie générale de cinématographe, phonographes et pellicules. Avec l’invention du cinéma par les Frères Lumières, la captation du son intéresse en effet les pionniers du septième art. Mais c’est à un autre Français que l’on doit la première projection synchronisée de son et d’image par le « chronophone » en 1902 : Léon Gaumont. Une version améliorée de son invention, le Chronomégaphone de Gaumont, datant de 1912, a d’ailleurs fait le bonheur des amateurs lors de la vente aux enchères d’Artigny de 2015 à plus d’un million d’euros et acheté par les descendants de Gaumont.

Notre gramophone n’est pas signé Gaumont mais a été commercialisé par Pathé. La firme s’inspire du modèle Eagle de la Graphophone Columbia et crée en 1898 son premier phonographe baptisé « le Coq », pour contrer l’Aigle américain. Le choix de cet emblème n’était évidemment pas anodin et tendait à glorifier le savoir-faire français ! Le conseil de l’entreprise de la même année déclare d’ailleurs « Cet appareil se présente bien à cause de son élégance et sa parfaite fabrication permettra de soutenir la concurrence contre les appareils américains ». La compagnie parvient très tôt à établir des filières en Angleterre, aux États-Unis et en Russie, jusqu’au Mexique ! En plus d’adopter le Coq comme mascotte, elle prend pour devise « Je chante haut et clair », allusion au chant de l’oiseau, décliné sur les affiches publicitaires comme sur le corps de l’appareil. C’est le cas sur l’exemplaire de Jean Paul. Comptez 200 à 300 euros si le pavillon est en bon état et si l’appareil est complet de toutes ces pièces. Et pour compléter la collection, Jean Paul dispose également de cylindres de marques Pathé et Edison, parfaits pour prolonger la fête de la Musique en écoutant des standards de la Belle Époque. Quant au coq Pathé, il chante toujours « haut et clair » mais au cinéma !
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