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Le Christ devant les instruments de la Passion des Le Nain n’a pas été préempté

Dimanche 10 juin 2018

La Tribune de l'art, Didier Rykner

Après une vente interminable, le tableau des Le Nain récemment redécouvert national (voir la brève du 23/3/18) et classé trésor national (voir la brève du 16/4/18) a été adjugé aujourd’hui 2,9 millions d’euros au marteau, sans être préempté par un musée français. Les Rouillac ont souligné abondamment avant la vente que les acheteurs étrangers ont renoncé à cet achat faute d’être certains de pouvoir l’exporter. Mais rien n’obligeait les vendeurs et les commissaires-priseurs à vendre ce tableau aux enchères alors qu’il ne peut sortir de France avant trente mois. Rien dans la loi ne s’opposait donc à ce que le ministère de la Culture préempte ce tableau.

Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? On peut imaginer plusieurs hypothèse. La première - qui serait inattendue et excellente - serait celle d’un achat par un mécène qui le donnerait immédiatement à un musée français et bénéficierait ainsi de la déduction fiscale de 90% sur les trésors nationaux sans passer par la préemption dont certains auraient pu dire qu’elle avait été faussée par l’interdiction de sortie.
Une autre hypothèse serait que les musées étaient prêts à préempter mais à un prix inférieur à l’adjudication. Si celle-ci a été soutenue, elle n’est cependant pas excessive et il serait incroyable d’avoir laissé partir le tableau à ce prix.
La troisième serait que le ministère de la Culture n’a pas été capable de mobiliser les fonds nécessaires et compte désormais profiter du délai avant exportation pour les réunir. Là encore, c’est peu crédible et risque d’aboutir à le payer plus cher que le prix aux enchères.

Enfin, la dernière serait l’absence de toute décision au niveau du ministère de la Culture qui se trouve actuellement comme un bateau sans capitaine. Le directeur général des Patrimoines est déjà sur le départ depuis plusieurs mois sans que le ministère ait encore pu nommer son successeur et il n’y a plus de directeur du Service des Musées de France. Quant au Louvre, sa politique d’acquisition est tellement erratique qu’on ne sait que penser.

Attendons donc d’en savoir plus, et espérons que notre première idée est la bonne. Sinon ce ne sera qu’un fiasco de plus concernant les trésors nationaux. On y est, hélas, habitué.
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