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Boîte à sommeil… antiloup !

Samedi 19 mai 2018 à 07h

Cette semaine, Philippe écrit de Fontenay-sous-Bois à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur pour connaître la valeur d’un lit clos breton.



Voici un meuble bien curieux dont la structure est celle d’une armoire et qui ressemble à une haute et massive caisse fermant en façade par des battants et/ou des glissants. On y range ni linge, ni denrées alimentaires, on y dort ! C’est le fameux lit clos.
Il comprend généralement une couche pour deux personnes et parfois même un second étage avec un autre lit ! On y dort presque assis, avec force d’oreillers dans le dos. C’est pourquoi il dépasse rarement le 1,70 de longueur.

Né vraisemblablement au XVe siècle, il file généralement les chocottes à nos contemporains qui n’imaginent pas un seul instant dormir enfermés dans une boîte ! Mais il avait son utilité. En premier lieu, comme le rapporte la tradition populaire, il protège les petits enfants contre le loup réputé entrer la nuit dans les habitations pour y dévorer les nourrissons. Cette histoire tenant probablement de la légende, il faut chercher une utilité plus prosaïque au lit clos.
Ce meuble populaire tient la première place dans le mobilier des fermes. Fermes qui ne comptent généralement qu’une seule pièce où toute la maisonnée vit, cuisine, prend ses repas, etc… et dort. C’est dire si les moments intimes sont rares. Le lit clos en offre quelques-uns. Il est également fort commode pour garder la chaleur, lorsqu’au cœur de l’hiver, la grande - mais unique - cheminée peine à chauffer convenablement le logis. Le lit clos est inséparable du coffre à linge qui est posé en façade et forme ainsi marchepied.

Nombre de Bretons, et surtout de Bas-Bretons dorment encore dans un lit clos au début du XXe siècle. Mais ces meubles ne répondant plus aux besoins de la modernité, notamment d’un point vue hygiénique, ils sont peu à peu abandonnés. Généralement offerts à l’occasion d’un mariage, ils faisaient l’orgueil d’une famille. Famille qui ne sachant que faire d’un tel meuble a souvent préféré le transformer que le vendre. Ainsi les lits clos, recoupés pour en réduire la profondeur, sont devenus vaisseliers, bibliothèques, meubles TV ou armoires. C’est le cas de celui de Patrick.

En bois mouluré plutôt clair, probablement un fruitier ou du châtaignier, il ouvre en façade par deux vantaux. Ces derniers sont ajourés en partie haute du christogramme IHS qui est une abréviation du nom de Jésus. En fonction des décorations et sculptures on peut l’attribuer à telle ou telle contrée de Bretagne. Celui-ci provient probablement du Finistère. Ici, la partie supérieure du lit est ornée d’arcatures et il est en outre sculpté de rosaces. Datant de la seconde moitié du XIXe, il ne présente malheureusement pas une profusion de sculpture pouvant lui donner un caractère remarquable et a perdu le coffre qui lui était associé. Beaucoup d’amateurs aimeraient acquérir ce meuble indissociable du patrimoine breton mais y renoncent souvent, faute de place. Il inspire même les designers ! En témoigne cette fabuleuse création des Frères Bouroullec, géniaux designers bretons contemporains, qui réinterprètent le lit clos séculaire en un fascinant espace surélevé. Philippe aura grande peine à en obtenir plus de 200 € pour le sien. Mais avec le retour du loup dans toute la France, la cote des lits clos va probablement grimper !
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