FR
EN

Pour une belle table

Samedi 12 mai 2018 à 07h

Michelle de Villefranche sur Cher interroge cette semaine Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur au sujet de pièces d’argenterie.



Communément appelée ménagère de table, elle se compose de 61 pièces : 12 couverts, 12 petites cuillères, 12 grands couteaux et 12 couteux à fromage complété par 1 louche. Le cadeau de mariage type, il y a encore quelques années dans les familles bourgeoises. Ou le couple se constituait, année par année, une ménagère complète…La table était alors dressée avec le traditionnel service en porcelaine, généralement de Limoges et le service de verres en cristal de 36 pièces - ainsi le jeune couple pouvait recevoir amis et famille dans les règles de l’art ! Prolongement aujourd’hui ? D’abord, on mange moins de soupe donc l’utilité de la louche est réduite et les places de rangement diminuent avec les petits appartements. L’entretien fastidieux de l’argenterie et les conditions de vie autres font abandonner ces pratiques – ô combien appréciées néanmoins lorsque nous sommes invités : toute belle table est propice à de bons mets, et d’agréables moments de convivialité !

Au couteau individuel à la lame pliée, que chacun conservait hors des repas dans sa poche, la cuillère fut dans l’histoire souvent partagée pour manger dans des écuelles de bois puis d’étain et enfin de céramique, avec gobelet assorti. La fourchette est une invention relativement récente importée des guerres d’Italie, de la Renaissance de la cour des Médicis. Première apparition en Val de Loire, de la fourchette qui fut d’abord à 2, voire 3 dents, afin de piquer dans le plat central - puis ce n’est qu’au XVIIè siècle qu’elle prit sa forme actuelle : 4 dents d’égales longueurs, et une fourchette par convive : le couvert fourchette/cuillère est né. Il adopte le style des arts décoratifs, dérivés du mobilier. Ainsi on peut considérer que le service de Michelle est d’inspiration Louis XV : prise chantournée, agrafes, feuillages, volutes, rinceaux. Style léger avec un brin de fantaisie florale. Comme le président Giscard d‘Estaing grand amateur du XVIIIème a pu l’écrire « Louis XV, un moment de perfection de l’art français » » !

Mais attention cette ménagère n’est malheureusement pas d’époque Louis XV, mais récente. Ce modèle, de style Louis XV relativement courant, est apparu dans les années 60 et perdure dans le commerce. En outre elle n’est pas en argent massif, mais dite en métal argenté. C’est-à-dire recouverte d’une fine pellicule d’argent, les lames des couteaux restant en inox plus solides et tranchantes. En effet, les deux poinçons de cette ménagère sont carrés, rectangulaires, marques caractéristiques pour le métal argenté. Cette couche d’argent s’oxyde à l’humidité, devient grisâtre, voire noirâtre, et conjuguée avec des plats à base de poisson ou d’œufs le procédé s’accélère ! Et l’entretien au blanc d’Espagne de nos grands-mères semble moins au goût des jeunes femmes d’aujourd’hui. Trop nettoyée ou frottée, la couche d’argent s’efface, et le support cuivre ou métal apparaît, ce qui n’est pas du meilleur effet…En conséquence, ce type de ménagère n’est plus guère recherché en vente aux enchères, où les amateurs privilégient l’argent massif, les pièces anciennes. Néanmoins elle peut se négocier en brocante sur la base de 200, voire 300 €. Un petit conseil, avec le prix d’une ménagère neuve en métal argenté dans le commerce, vous pouvez vous offrir un bon nombre de couverts en argent massif en vente publique…et eux vont au lave-vaisselle sans risque de désargenture !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :