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Et le drapeau, morbleu !

Samedi 24 mars 2018 à 07h

Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond cette semaine à Jérôme, de Thoré-la-Rochette, qui lui envoie la photographie d’une pendule.



Vous avez, par le passé, déjà pu découvrir l’histoire des pendules à sujets dans cette rubrique. Nées à l’époque Louis XVI, elles sont indissociables de l’Empire et de la Restauration. En bronze doré, elles présentent une ciselure d’une extrême finesse et accueillent la plupart du temps un sujet mythologique. Sous Louis-Philippe, qui règne de 1830 à 1848, la sobriété de la ligne néoclassique laisse place à plus d’exubérance et de pompe. Les pendules à sujet demeurent mais changent de forme et de thèmes. Nous sommes en plein romantisme et les placides déesses antiques laissent la place à des personnages historiques ou des héros de romans contemporains dont les vertus, les hauts faits ou les malheurs sont exaltés. La pendule de Jérôme en est un parfait exemple.

Que d’or ! La base de cette pendule, de forme chantournée, est ornée d’une profusion de bronzes dorés : feuillages, guirlandes de fleurs, balustrade, agrafes, enroulements, rais de perles... Elle enserre le cadran émaillé blanc indiquant les heures en chiffres romains et trois plaques de marbre blanc. Ce socle somptueux – pour ne pas dire pompeux – met en valeur la pièce maîtresse de la pendule, son sujet : un officier du XVIIe siècle, probablement un mousquetaire. On le reconnait à son chapeau empanaché posé sur ses cheveux longs, son costume à large manches et ses bottes à revers. En bronze patiné, il campe fièrement sur un tertre, un tambour dans la main gauche et un drapeau doré dans la main droite. À côté de lui on distingue un bastion. Qui peut-il bien être ?

On pourrait facilement deviner ici le grand Maréchal Turenne mais on l’a vu, du temps de Louis-Philippe, les pendules à sujet s’inspirent souvent des romans à la mode. Or, en 1844, la plume d’Alexandre Dumas donne naissance au plus célèbre roman de cape et d’épée : les Trois Mousquetaires ! La scène de la pendule est même identifiable : nos quatre compagnons, Athos, Portos, Aramis et d’Artagnan sont au siège de La Rochelle. Après un pari, ils se retrouvent dans un bastion sous le feu de l’armée rochelaise. Alors qu’ils le quittent, Athos se précipite dans l’enceinte au péril de sa vie. Ses amis l’interpellent, il leur répond : « Et le drapeau, morbleu ! Il ne faut pas laisser un drapeau aux mains de l'ennemi ». Les balles sifflent autour de lui sans le toucher. Sublime, il prend le temps d’agiter le drapeau en direction du camp de l’armée royale, provoquant des cris d’enthousiasme ! Il s’en sort sans une égratignure. La société de la Monarchie de Juillet est très friande de ces actions de bravoure, de ces coups d’éclats teintés d’humour. C’est donc sans surprise que le flamboyant Portos se retrouve héros d’une pendule.

Elle présente un très bel état de conservation. De plus, Jérôme nous signale que le mécanisme est parfaitement fonctionnel. Il a été révisé par M. Mazanec. Les Mazanec sont maîtres-horlogers de père en fils à Blois depuis l’époque Louis XVI ! Le savoir-faire de cet artisan est sans pareil dans la région. Malheureusement, Jérôme a oublié de nous en communiquer les dimensions. Quoi qu’il en soit, en parfait état de conservation comme de fonctionnement, comptez une estimation comprise entre 800 et 1 200 € en vente aux enchères.
Et rappelez-vous, cette nuit nous changeons d’heure !
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