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Belles de nuit espagnoles

Samedi 03 mars 2018 à 07h

Cette semaine, Alain de Romorantin questionne Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, à propos de quatre gouaches signées José de Zamora.



Mardi Gras a déjà eu lieu et pour autant c’est à un vrai carnaval que l’on assiste en contemplant les gouaches d’Alain : des danseuses d’Indonésie ou d’Afrique, un chat botté accompagné d’un squelette masqué, un roi de contes de fées… Ces personnages sont tous peints sur un papier genre Canson à fond noir avec du blanc et les trois couleurs primaires (rouge, jaune, bleu). Il ne peut s’agir d’aquarelle car, bien que cette technique de peinture utilise aussi de l’eau, elle n’est réalisable que sur fond clair. La gouache revêt ici un aspect onirique par la richesse des ornements, des bijoux, des étoffes et des fleurs aux formes graciles. La danseuse indonésienne rappelle le folklore des images d’expositions coloniales du début du XXe siècle. L’Africaine semble davantage être mue par une puissance magique, une transe mystique au gré de la flamme qui s’agite à côté d’elle. Le canon allongé des proportions des figures évoque des dessins de mode ou de costumes pour le théâtre. Les autres dessins montrent de curieux personnages semblant tout droit sortis de contes enfantins. Ces impressions sont confirmées par la signature présente dans le bord supérieur des dessins : José de Zamora.

Un artiste polyvalent
José de Zamora naît à Madrid en 1889 et meurt près de Barcelone en 1971. Dessinateur, peintre, décorateur de théâtre et écrivain espagnol, il commence sa carrière artistique par la mode. C’est en voyageant à Paris au début des années 1910 qu’il devient assistant du plus grand couturier de la Belle Époque : Paul Poiret. On doit à ce dernier l’apparition du pantalon dans le vestiaire féminin qu’il débarrasse du corset étouffant. Zamora crée alors au service du styliste des tenues pour les princesses, chanteuses, femmes du monde ou cocottes de luxe qui gravitent dans cette société mondaine. C’est tout naturellement qu’il devient chroniqueur pour la Gazette du Bon Ton. Dans le Paris noctambule, il façonne les costumes et les affiches des grandes revues de cabaret: le théâtre Mogador, les Folies Bergères, le Moulin Rouge, le Ba-Ta-Clan ou encore le Casino de Paris. Nos danseuses indonésiennes et africaines pourraient tout à fait relever de ce travail de création d’habits de scène.

Le début de la Première Guerre Mondiale en 1914 oblige le dessinateur à retourner à Madrid, ce qui ne l’empêche pas de dessiner des costumes commandés par le fameux directeur des Ballets russes, Serge Diaghilev. C’est dans ses cercles d’amitiés qu’il rencontre des écrivains et poètes l’encourageant à illustrer leur littérature et les revues madrilènes Nuevo Mundo et la Esfera. Ce sont notamment les contes pour enfants qui font le bonheur de ce graphiste éclectique, dont le trait est tout autant empreint de glamour que de fantaisie. Les deux autres gouaches présentant l’une un chat botté au squelette et l’autre un roi et des elfes semblent appartenir à cette dernière catégorie de son œuvre.
Malgré une vie riche et une œuvre très représentative de la période, José de Zamora reste encore relativement ignoré des collectionneurs, surtout français. Les quatre gouaches d’Alain, de format 25x32 cm et 31x42cm, pourraient intéresser les amateurs du style Art déco à partir de 100 euros pièce, soit 400 euros les quatre. Avis aux inconditionnels hispanisants des Années Folles !
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