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Vidéo : bientôt aux enchères, le tableau des Le Nain est absolument unique

Jeudi 29 mars 2018

L'Union, Marie-Pierre Duval


Bientôt en vente, le tableau des Le Nain est une œuvre unique mais chère !

L’immeuble est cossu. Un cordon de velours pend le long de la porte. Le rendez-vous a été fixé à 15 heures, mais les invités n’ont pu refréner leur impatience. Quinze minutes avant l’heure dite, ils font déjà les cent pas dans l’antichambre. En cet après-midi de printemps, le cabinet de l’expert Éric Turquin est sans conteste the place to be ! Le moment est solennel, la dernière trouvaille de commissaires-priseurs Rouillac sera bientôt dévoilée à la presse. Entouré de deux reproductions sur toile d’œuvres des frères Le Nain, le tableau attend d’être présenté officiellement. Afin de maintenir le suspense, un rideau rouge le masque au regard. Éric Turquin et Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, dans un geste théâtral, font tomber le voile, l’Enfant-Jésus fait face au public de connaisseurs. Après l‘émotion vient le temps des questions.

1 Une découverte étonnante

Aymeric Rouillac, commissaire-priseur tourangeau, revient sur cette belle aventure. « En octobre, nous avons été contactés par une dame, habitant dans l’Ouest de la France. Cette personne désirait avoir notre avis sur un tableau qu’elle tenait de son grand-père. » L’œuvre de taille modeste, 70 cm sur 59 cm, représente Jésus, enfant examinant les signes de la passion. Aymeric Rouillac se rend chez cette dame, afin d’examiner la toile. Son œil d’expert lui fait très vite sentir qu’il est en présence d’une œuvre inestimable. « J’ai pris quelques photos que j’ai transmises à l’expert Stéphane Pinta afin d’avoir son avis. » Très rapidement, l’expert demande à voir la toile, précisant « nous avons affaire à quelque chose d’important ». Très rapidement, le nom des Le Nain s’impose, « Un nom mais pas de prénom, note Aymeric Rouillac. Comme à chaque fois, les trois frères ont su habilement brouiller les pistes, et nous n’entrerons pas dans le débat de l’attribution. »

Ce tableau est issu de la collection d’un militaire de l’Ouest de la France. Ce militaire l’a longtemps conservé, à Nantes dans la demeure qu’il avait fait construire en 1910. Cette toile ne semble pas être apparue sur le marché de l’art à des périodes antérieures, signe peut être du peu de considération qu’on lui accordait, à moins qu’elle ne soit restée depuis l’origine dans la famille des actuels propriétaires, difficile d’en être certain en l’état actuel des connaissances. En 1950, il est revenu à l’une des petites-filles du capitaine. Elle l’a conservé jusqu’à cet automne où elle a souhaité mettre certains de ses biens sen vente. « Lorsque cette dame a sollicité des avis sur ce tableau, elle a eu des réponses assez diverses, certains lui affirmant même qu’il ne valait rien », s’amuse Aymeric Rouillac.

2 Pas de doute sur l’authenticité

Une fois le nom des peintres avancé, les experts se mettent en quête d’éléments afin de s’assurer de son authenticité. Même si cette œuvre était inconnue des spécialistes des frères de Bourguignon, plusieurs éléments ne trompent pas les experts. « Ce tableau est de la main de l’un des frères Le nain, cela ne fait aucun doute. » La toile est d’origine même si le châssis est de facture plus moderne. Cette toile est d’ailleurs le premier élément mis en avant par les experts. « Nous retrouvons au dos de la toile, un rouge-brun une couleur typique du XVIIe siècle. » Vient ensuite le modèle, « L’enfant qui prête ses traits à Jésus est sans conteste « l’enfant » des Le Nain », poursuit Aymeric Rouillac. Les trois frères, connus pour être restés célibataires, se sont probablement servis d’un même enfant pour leurs différents tableaux. « On le voit à des âges différents sur plusieurs tableaux comme Le Repas de paysans (1642), La Famille paysanne (1642) ou Les Pèlerins d’Emmaüs » Cet enfant Jésus a été transporté jusqu’au Louvre un jour de fermeture afin d’être confronté à d’autres œuvres des frères Le Nain. « Le doute n’est plus permis, nous sommes face à un authentique tableau des Le Nain », concluent les experts.

3 Un chef-d’œuvre rare

Ce qui fait la particularité de cette œuvre, outre le fait qu’elle était jusqu’alors inconnue, c’est sa composition, elle met une scène un seul personnage, alors qu’habituellement les Le Nain proposent des œuvres représentant des familles, des groupes. Ensuite, la thématique est peu courante à l’époque. Le culte de l’Enfant Jésus connaît une ampleur au XVII, en particulier à partir de 1638 avec la naissance du Dauphin, futur Louis XIV.« Les textes n’évoquent pas Jésus, enfant ayant une vision de la Passion, or, « notre » enfant est entouré des arma christi, les instruments de la Passion, la croix, les clous, les vêtements, les dés…, poursuit Aymeric Rouillac. Notre tableau peut sans conteste être considéré comme une Unicum, une œuvre unique. »

4 Des enchères conséquentes

L’enfant Jésus sera mis en vente aux enchères en juin au château d’Artigny en Touraine. La mise à prix a été fixée à 1 million d’euros. L’expert Eric Turquin ne cache pas qu’il verrait bien les enchères s’envoler. « On peut estimer sa valeur entre 3 et 5 millions, le précédent tableau des Le Nain a été vendu pour onze millions d’euros, même si celui-ci est d’une taille plus modeste, sa thématique en fait une œuvre à part. »

Comme le veut la procédure, les commissaires-priseurs en charge de la vente ont demandé une autorisation de sortie du territoire pour le tableau. « L’État donnera sa réponse d’ici la fin du mois d’avril, s’il était considéré comme « Trésor national », ces acquéreurs pourraient bénéficier d’avantages fiscaux. » Réponse d’ici quelques semaines.
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