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Le nouveau Le Nain présenté par le cabinet Turquin

Vendredi 23 mars 2018

La Tribune de l'Art, Didier Ryckner

Marché de l’art - Découverte -


Nous avons pu, cette après-midi, voir le tableau des Le Nain (ill. 1) découvert par l’étude Rouillac avec la collaboration du cabinet Turquin. Un point est évident tout d’abord : personne ne pourra contester sérieusement l’attribution, qui est absolument évidente pour quiconque connaît un peu la peinture française du XVIIe siècle. Autre certitude, il s’agit d’un chef-d’œuvre et d’un des plus émouvants tableaux des frères Le Nain. En revanche, son attribution à l’un ou l’autre des frères donne déjà lieu à des discussions qui risquent d’être sans fin. Si l’on devait donner un prénom - ce que se refuse assez sagement le cabinet Turquin et le commissaire-priseur - nous pencherions volontiers vers Matthieu, mais avec une qualité telle que le tableau doit avoir été peint avant la mort de ses frères, sa production tardive étant dans l’ensemble moins qualitative comme l’a démontré l’exposition de Lens (voir l’article).

1. Les Frères Le Nain
Jésus enfant agenouillé devant
les instruments de la Passion
Huile sur toile - 72 x 59
France, vente Rouillac 10 juin 2018
Photo : Cabinet Turquin
Voir l'image dans sa page

2. France, première moitié du XVIIe siècle
Jésus enfant agenouillé devant
les instruments de la Passion
Huile sur toile - 51,7 x 42 cm
Poitiers, Musée Sainte-Croix
Photo : Musée Sainte-Croix

L’iconographie est évidemment étonnante, même si elle n’est pas unique. Le Christ est représenté à tous les âges avec les instruments de la Passion, soit bébé, dormant sur la croix ou lorsqu’un ange les lui présente comme dans un tableau de Garofalo du Musée des Beaux-Arts de Chartres, soit les portant, triomphant, comme dans un dessin espagnol anonyme du Louvre. Voir le Christ enfant agenouillé et priant devant les outils de son supplice apparaît comme très rare, mais un exemple d’une composition du XVIIe siècle, proche du tableau des Le Nain est conservé au Musée Sainte-Croix de Poitiers (ill. 2) comme le signalent d’ailleurs les commissaires-priseurs. Ceux-ci ont également repéré un autre tableau du même sujet dans l’église Saint-Pierre de Savennières. Cette composition des Le Nain était, quoi qu’il en soit, inconnue, et on n’en trouve trace semble-t-il dans les archives.

Le certificat d’exportation a été demandé le 21 décembre 2017, et le ministère de la Culture a donc jusqu’au 21 avril 2018 pour l’accorder ou le refuser. Il faut espérer qu’il le refusera et surtout qu’il s’engagera dans une procédure d’achat. Le tableau doit normalement être vendu le 10 juin 2018. Il serait très bien au Louvre, mais pourrait tout aussi bien être acquis par un musée de région. Ni Lyon, ni Montpellier par exemple ne conservent de Le Nain. L’estimation donnée est de 3 à 5 millions d’euros, Éric Turquin comparant ce prix aux 11,5 millions d’euros payés par le Louvre en 2009 pour le Reniement de saint Pierre. Il s’agit cependant d’une œuvre de dévotion privée, sans provenance ancienne connue, alors que ce dernier tableau, nettement plus grand, était probablement peint pour Mazarin. S’il est, comme nous le souhaitons, classé trésor national, se posera une fois de plus la question du prix auquel il doit être acheté, le système actuel ayant comme principal défaut d’imposer des prix souvent trop hauts.
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