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L’Escalier de Cristal : la création d’un Orient imaginaire

Jeudi 18 janvier 2018
Escalier de Cristal - nouveau magasin
Michel Charles Fichot, Les nouveaux magasins de l'Escalier de Cristal, 1873, Paris, Musée Carnavalet.


Maison fondée autour de 1800 par la veuve Barthélémy Desarnaud, l’Escalier de Cristal s’inscrit durant tout le XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle dans la longue tradition française des marchands merciers, en collaborant avec les artistes les plus en vue de Paris. L’entreprise doit dans un premier temps sa réputation à ses objets d’ornement associant à la fois le cristal et le bronze. Elle se voit récompensée à l’Exposition des Produits de l’Industrie de 1819, puis aux Expositions Universelles de Londres, Paris et New-York. Le succès de cette entreprise commerciale résulte de la volonté d’adéquation de ses multiples propriétaires aux goût et aux habitudes de la clientèle en se déplaçant notamment au fil de l’attraction des quartiers parisiens. Aussi, ses dirigeants n’ont de cesse de renouveler son catalogue pour proposer constamment des produits en vogue, créant ainsi de véritables modes. Tels sont les cas d’Émile Pannier puis de ses fils, Georges et Henri, qui proposent à partir du Second Empire des créations inspirées de la tradition ornementale pluriséculaire japonaise.


En parallèle du mobilier de style Louis XV et Louis XVI, l’Escalier de Cristal fournit des objets de décoration et ameublements japonisants, dont des meubles de Gabriel Viardot (1830-1906). Si les exemplaires que nous présentons dans la vente du 28 janvier 2018 à Vendôme (n° 260 à 263) sont selon la tradition familiale une commande directe de Charles Quartero à l’artiste, ils sont en revanche très représentatif de la production de Viardot pour la vénérable maison de décoration. Les incrustations d’oiseaux et de branchages fleuris en os sur les vantaux de la bibliothèque pagode (n° 260) ou l’entrecroise de la table (n° 261) ainsi que les accotoirs du fauteuil (n° 262) ornés de spectaculaires dragons sont autant de référence à l’art oriental revu par un brillant artiste français pour une clientèle européenne.

La production japonisante de l’Escalier de Cristal se distingue aussi dans le domaine de la céramique et du bronze. Félix Bracquemond (1833-1914), pionnier du japonisme en France en découvrant le premier un recueil d’estampes par Hokusaï (1760-1849) livre aussi régulièrement pour ses marchands-éditeurs des objets d’inspiration japonisante, à l’instar de la paire de lampes en barbotine impressionniste (n° 259). Son décor de fleurs de cerisier associé à une spectaculaire monture en bronze par Jules Auguste Habert-Dys (1850-1930), reprenant au col et aux quatre pieds des motifs de fleurs et de branches de cerisier et autres chinoiseries, témoigne de l’inspiration contemporaine des artistes occidentaux pour les arts japonais. L’Alsacien Théodore Deck (1823-1891) s’illustre également parmi les importants céramistes œuvrant pour l’Escalier de Cristal. Sa belle jardinière en faïence (n° 265) est un formidable exemple pour apprécier sa production japonisante grâce à son décor de mésanges jouant dans un environnement composé de libellules et papillons sur fond de bleu ciel.

L’art verrier d’inspiration orientale est aussi excellemment représentés par des artistes français dont Eugène Rousseau (1827-1897). Travaillant fréquemment pour l’Escalier de Cristal, celui-ci est à estimer comme l’un des pionniers du japonisme dans son art tout en inventant une myriade de procédés novateurs. Si la ligne du pichet que nous présentons (n° 281) se veut pure, son décor sobre et coloré de formes géométriques se prolongeant par des branches fleuries et autres insectes résulte de l’esprit japonais qui souffle dans l’œuvre de Rousseau.

L’Escalier de Cristal se distingue ainsi durant la seconde moitié du XIXe siècle par sa production japonisante. Toutefois cette grande institution de la décoration française offre, non pas un pastiche de la production asiatique, mais plutôt une réinterprétation des ornements japonais et chinois au regard du goût européen, créant ainsi un véritable « orient imaginaire ».
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