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Trésors Marins

Samedi 16 décembre 2017 à 07h

Cette semaine, Philippe nous fait parvenir la photographie d’un tableau peint sur verre figurant le port du Croisic. Il souhaite connaître la valeur. Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, lui répond.



De nombreux supports accueillent les œuvres des peintres : toile, bois, cuivre, papier… Chacun influençant le rendu de la couche picturale. Plus rares sont les œuvres peintes sur verre, technique qualifiée « d’art savant » qui connaît son apogée à la Renaissance. Seuls les peintres les plus talentueux la pratiquent car elle demande une technicité et une dextérité importantes. Tout d’abord parce que l’artiste doit peindre « à l’envers ». Ensuite, l’application des couches picturales se fait à l’inverse d’un support classique où l’on commence par le fond, puis les aplats, pour finir par les détails. En commençant par ces derniers, le peintre doit avoir une idée parfaite du rendu escompté car une fois les couches suivantes posées, il lui sera impossible de modifier le travail déjà effectué. Au XVIIIe siècle, cette technique devient un art populaire pratiqué dans toute l’Europe.

L’œuvre de notre lecteur est héritière de cette tradition. Peinte dans les années 1950, elle représente une vue du Croisic, en Bretagne, avec ses bateaux de pêche et ses marins. Cette peinture est exécutée sur deux plaques de verre disposées l’une devant l’autre, dans le but de donner une impression de « relief » à la composition. Le peintre, fier de son travail, le titre et le signe en bas à gauche « Le Croisic par A. Labarde ». Il nous est malheureusement parfaitement inconnu ! Peignant vraisemblablement pour les touristes, il n’a pas oublié de figurer une femme portant la fameuse coiffe du pays bigouden déambulant sur le quai. Rien à voir avec la coiffe du Croisic mais voilà de quoi faire « couleurs locales ». Philippe ne nous a pas communiqué les dimensions de cette œuvre de facture naïve. Quoi qu’il en soit, cela n’influencera que peux sa valeur que l’on peut estimer entre 20 et 50 € en brocante.

Ces bateaux de pêche nous donnent l’occasion de faire un clin d’œil aux fruits de mer, bien souvent à l’honneur sur nos tables festives. Une chance que peu de Loir-et-Chériens connaissaient avant le développement des transports. Un homme seul sur un bon cheval partant de Nantes peut espérer rejoindre Blois en un peu moins de deux jours. Imaginez donc le temps que met une charrette remplie de marée... Durant les mois d’hiver, on peut espérer pouvoir déguster de bons poissons ou coquillages frais. Mais de grand prix, ils ne sont réservés qu’à une élite urbaine. Dans un ouvrage de 1664, un cuisinier nous donne la première trace écrite de dégustation d’huîtres crues. Mais mieux vaut parfois s’abstenir… En 1759, suite à de nombreuses intoxications mortelles à la Cour, un édit royal interdit de pêcher, de transporter et de vendre des huîtres du 1er avril au 31 octobre, période chaude. La coutume qui veut que l’on n’en consomme pas durant les mois sans « R » était née ! Qu’à cela ne tienne, elles étaient rôties, apprêtées en pâtés, ragoûts, ou encore beignets. Autre fait surprenant, le homard est plutôt boudé, ne valant pas mieux qu’un crabe. Même les habitants des côtes les délaissent. Alors quelle aubaine lorsqu’au début du XVIIIe siècle les marchands anglo-normands s’entendent avec les pécheurs d’une petite île des Côtes d’Armor nommée Bréhat. Cette côte fort riche en homards se voit alors constellée de casiers dont le précieux contenu est envoyé vert l’Angleterre. En revanche, il est un met de fête très prisé des tables royales qu’aucun d’entre nous ne dégustera cette année : le dauphin. En pâté, grillé, ou en sauce, il régale princes et rois entre les XV et le XVI siècles ! La Bruyère-Champier, médecin de François Ier, raconte avoir mangé à la Cour du boudin de marsouin dont le goût était proche de celui du cochon !

Avec ou sans homard bréhatin, beignets d’huîtres ou boudin de dauphin, nous vous souhaitons de succulents repas de fête !
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