FR
EN

Une grand-mère qui n'a pas froid aux yeux ...

Samedi 09 décembre 2017 à 07h

Cette semaine, Claudine écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, pour connaître la valeur d’une bonbonnière en porcelaine figurant une danseuse en tenue exotique, qui représenterait sa grand-mère jeune femme !



Voilà une danseuse orientale qui ne semble pas craindre le froid hivernal ! Ce dessus de couvercle en porcelaine émaillée représente une jeune femme légèrement vêtue de sandales, d’un pagne court et d’un cache-poitrine fait de deux disques dorés reliés par des rangs de perles. Sa coiffure, dite à la garçonne, typique des années 1920, est soulignée par un bandeau assorti à sa ceinture. Elle adopte une pose sensuelle qui, avec son costume, évoque les numéros de danse exotique de Mata Hari, la légendaire espionne qui envoûte l’Europe du début du XXe siècle. En 1926, c’est la vedette américaine Joséphine Baker qui électrise l’Europe en dansant simplement vêtue d’un pagne en peau de banane ! Les indications en dessous de la pièce nous renseignent sur sa fabrication ; la signature indique « France, Editions Etling Paris, SEGB ». Sur sa base, on retrouve une mention incisée « A. Godard » se référant au nom du sculpteur, Armand Godard.

Cette Danseuse orientale est donc une pièce éditée par le marchand d’art décoratif parisien Edmond Etling qui, dans les années 1920 et 1930 s’est spécialisé dans l’édition de « multiples » de céramiques, mais aussi de bronzes et d’ivoires. Avec l’exposition des arts décoratifs de 1925, où est présente la maison Etling, apparaît l’appellation du style « Art déco ». Caractérisé par une simplification des volumes, des inspirations orientalisantes, un goût pour le mouvement et la danse, ce style fait fureur durant l’entre-deux-guerres. Le marchand Etling a eu le don de s’entourer des meilleurs artistes de ce courant original. Si les noms de Demeter Chiparus, de Lucille Sévin ou d’Armand Godard ne nous semblent plus si familiers, ils connurent à l’époque un franc succès. Armand Godard, à qui l’on doit le dessin de cette statuette a ainsi pu exposer ses statues de bronze et d’ivoire au Salon de la Société des Artistes français et même à l’Exposition universelle de 1937 à Paris ! Ce sont les statues dites « chryséléphantines » (de bronze doré et d’ivoire) qui atteignent en vente les meilleurs prix.

La statuette de Claudine n’a sans doute pas été conçue pour être exposée mais plutôt pour servir d’objet décoratif et usuel comme ceux qui étaient offerts couramment lors des mariages et autres évènements marquants. Produites en plus grand nombre, destinées à devenir d’aimables souvenirs, ces statuettes n’en étaient pas moins d’excellentes ambassadrices du style Art déco, le popularisant dans le monde entier. Anecdote amusante, Claudine nous rapporte que sa grand-mère, liée au sculpteur Godard, aurait posé comme modèle pour cette danseuse ! Voilà qui confère certainement à cet objet resté dans la famille une grande valeur sentimentale. Rien n’est moins sûr ! En vente aux enchères, l’estimation de cette danseuse serait de 150 à 300 euros, selon la taille et l’état de la pièce, et pourrait bien réaliser davantage si un amateur se laissait entrainer dans cette danse du ventre…
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :