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Napoléon à la loupe

Samedi 02 décembre 2017 à 07h

Cette semaine, Véronique, de Vineuil, interroge Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, au sujet d’une loupe à l’effigie de l’Empereur Napoléon Ier.



De forme circulaire, la loupe de Véronique se compose d’une lentille (vitre grossissante) qui pivote pour venir se loger dans un réceptacle métallique. Il représente, d’un côté (l’avers), « Napoléon Ier Empereur des Français » et, de l’autre, appelé revers, l’aigle impérial accompagné de la devise de l’ordre de la Légion d’Honneur « Honneur et Patrie ». Les traces d’usure font apparaître un métal gris-bleuté sous une fine couche d’argent ( ?) : il s’agit d’étain. Curieuse utilisation de cette matière que l’on retrouve le plus généralement dans le domaine alimentaire. Cet objet n’est pas sans rappeler les boîtes et autres canifs « souvenir » confectionnés à partir d’un écu d’argent coupé en deux. Dans le cas présent, cette loupe est créée de toutes pièces. Si l’aigle est coiffé d’une couronne fantaisiste, l’Empereur est quant à lui parfaitement conforme à son iconographie.

Tout un chacun est capable d’identifier le personnage représenté ici, en buste. Si ce n’est son légendaire profil, ce sont du moins ses attributs vestimentaires qui trahissent son identité, et en premier lieu son chapeau. En feutre ou en castor, Bonaparte commence à porter ce bicorne de couleur noire sous le Consulat. Empereur, il ne le quittera plus. Surnommé le « petit chapeau », sa facture simple est accentuée par le fait qu’il n’est agrémenté ni d’un galon, ni de plumes. Son seul ornement est une cocarde bleue, rouge et blanche, vestige de la Révolution, maintenue par une ganse en soie. En effet, l’Empire n’abandonne pas les couleurs tricolores. Que de contraste face aux couvre-chefs flamboyants des officiers supérieurs !
C’est bien là le but visé par Napoléon. Il veut pour ses soldats être un chef de guerre proche et accessible. Vêtu d’un simple uniforme d’officier (des chasseurs ou des grenadiers), il jette sur ses épaules une sobre redingote grise. Voilà qui lui vaut le sobriquet affectif de « petit caporal ». C’est dans cette tenue qu’il parcourt le bivouac de ses grognards le 1er décembre 1805, veille de la bataille d’Austerlitz. Il fait nuit et Napoléon trébuche sur une racine. Un soldat le reconnaît et allume une torche pour lui éclairer le chemin. Il est bientôt imité par un autre, puis un autre, et bientôt des bottes de paille sont enflammées dans tout le camp, si bien qu’on y voit comme en plein jour ! Pendant plus d’une heure ce sont 70 000 hommes qui entretiennent des feux ! Les éclaireurs russes pensent que les Français, ayant perdu tout espoir de vaincre le lendemain, incendient leur campement avant de prendre la fuite. Bien mal leur en a pris…!

Revenons à la loupe de Véronique. Cet objet de bureau ne date malheureusement pas du Premier Empire. Il a été confectionné au plus tôt à la fin du XIXe siècle pour un bonapartiste nostalgique. D’un diamètre de 6 cm, elle semble de bonne facture. Des usures à l’argenture et des accidents à la lentille de verre viennent malheureusement ternir son éclat. Le fait qu’elle ne soit pas en argent, voire même en bronze argenté, ne joue pas en sa faveur. Comptez ainsi entre 10 et 20 € en brocante. Dommage que Véronique ne soit pas en possession d’un des « petits chapeaux » porté par Napoléon au cours de sa vie ! Le dernier présenté en vente aux enchères a été adjugé 1 500 000 € ! En ce jour du 202e anniversaire d’Austerlitz, cet objet vous sera néanmoins fort précieux pour étudier à la loupe l’une des plus glorieuses batailles du XIXe de notre histoire !
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