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Une glace “ stuquéfiante ” !

Samedi 25 novembre 2017 à 07h

Cette semaine, Maryvonne écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, afin de connaître la valeur et l’époque de fabrication d’un trumeau.



Quelle richesse d’ornementation ! Que de pompe ! Voici une glace qui n’a pas été créée pour passer inaperçue ! Elle est destinée à être placée entre deux ouvertures, deux portes ou deux fenêtres par exemple, espace que l’on nomme trumeau en architecture. D’où l’appellation « glace de trumeau ». Or il se trouve que le trumeau se prête fort bien à l’accueil d’une cheminée. C’est donc sans surprise que ce type d’élément se rencontre généralement au-dessus d’une cheminée. Destination qui la fait parfois nommer « cheminée de glace ». Généralement de forme rectangulaire, cet élément plus haut que large est parfois inscrit dans les boiseries de la pièce. Il peut s’orner d’une peinture, d’un verre églomisé ou d’un décor en bois sculpté, peint et doré. Tant et si bien que le miroir est parfois d’une taille ridicule comparé à ces ornements.

La glace de Maryvonne n’est pas loin d’entrer dans cette catégorie… D’une hauteur de 180 cm, pour 97 cm de large, son âme est en en bois parqueté. Le miroir de 87 cm est arrondi en partie supérieure. Il est écrasé par un somptueux décor en stuc doré à l’or fin qui se détache sur fond laqué gris. Encadré par une frise d’entrelacs, il est flanqué de deux vases fleuris. Au-dessus, une corbeille de fleurs à l’imitation de la vannerie est portée par d’élégants rinceaux et feuilles d’acanthe. Enfin, la partie haute est occupée par une guirlande de lauriers retenue par un ruban noué et deux fleurons. De ces derniers tombent deux cordons terminés par des glands à la façon de la passementerie. Que de luxe ! Voilà un goût prisé par le Qatar !

D’un point de vue stylistique, aucun doute, nous sommes dans un registre néoclassique Louis XVI. Une datation précise est en revanche plus complexe d’après cette photo. Une photo du dos aurait été la bienvenue. Les proportions relativement déséquilibrées gênent l’œil français. Sommes-nous face à un travail étranger du XVIIIe siècle ? Est-ce une production du règne de Napoléon III dans le style Louis XVI-Impératrice si cher à Eugénie ? Impossible de trancher. Regardez l’arrière : le bois est-il brut ? Quelles traces d’outils présente-t-il ? La patine est-elle uniforme ? Comment est-il monté ? Autant d’éléments qui nous permettraient de nous prononcer. Aussi, observez les éléments décoratifs en stuc. Cet enduit à base de chaux est utilisé depuis l’Antiquité, il recouvre les sarcophages égyptiens et accueille la peinture des fresques grecques et romaines. Ce sont les italiens qui importent les techniques de stucage en France à la Renaissance. François Ier en usera et abusera, à Fontainebleau par exemple, et Louis XIV fera de même à Versailles. Il est en général appliqué sur une structure de base, en bois ou en pierre par exemple, et permet de nombreuses fantaisies. Une fois peint ou doré, il produit un « effet bœuf » ! Au XIXe siècle, le plâtre lui volera la vedette. Au XVIIIe siècle, les éléments décoratifs tels ceux présents sur le miroir de Maryvonne sont en bois sculpté, puis stuqué et enfin doré. Un siècle plus tard, la technique consistant à mouler, puis à coller les ornements en stuc ou en plâtre s’est généralisée. Voici un indice bien précieux !

Sans examen physique, considérant que cette glace de trumeau est née au XIXe siècle, nous pouvons raisonnablement l’estimer, si son état est bon, entre 300 et 500 € en vente aux enchères. Et une bonne surprise peut être attendue !
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