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Fraternité de Maîtres Verriers

Samedi 14 octobre 2017 à 07h

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous emmène en Lorraine suite à la demande d’Yves qui souhaite connaître la valeur d’un lustre signé Muller.



Lorsque l’on parle de la Lorraine et des Arts Décoratifs, on pense tout de suite à l’école de Nancy. En effet, un style fantastique s’y développe à partir de la fin du XIXe siècle : l’Art Nouveau. Mieux que cela, c’est cette école, dont le chef de file est un verrier nommé Émile Gallé, qui donne l’impulsion aux artistes de la France entière. Fait quasiment unique dans l’Histoire de l’Art, Paris n’est pas le centre de la création d’un style nouveau.

La Lorraine, grâce à ses forêts et ses réserves de sable, est une terre de verriers qui compte de grandes cristalleries historiques telles Baccarat ou Saint-Louis. Ce n’est donc pas un hasard si ce savoir-faire séculaire est utilisé au profit de la création contemporaine. 10 enfants d’une même fratrie sauront le mettre à profit : les Muller.

Ils seront tous plus ou moins impliqués dans cette saga familiale. Certains font leurs armes dans la cristallerie Saint-Louis avant d’entrer dans les ateliers d’Émile Gallé en 1894. Henri Muller en sort en 1897, emportant avec lui de nombreux secrets du maître… Gallé ne le lui pardonnera jamais. En 1904 il écrit : « Le misérable qui mène la bande a dû prendre dans mes livres une masse de notes et même de mes recettes ». Inutile de vous préciser que les relations entre les deux maisons seront tendues… Les frères Muller s’installent en 1897 à Croismare, près de Lunéville où ils fondent leur manufacture. Le style de leur production, est, vous vous en doutez, proche de celle de Gallé, ou encore de Daum. Mais ils sont au bon endroit, au bon moment avec une parfaite maîtrise des techniques de fabrication. Fabrication qu’ils vont industrialiser pour la production en série. Ils restent en cela fidèles à un des préceptes de l’école nancéenne : « l’Art pour tous ». On les accusera de pastiche. Ils répondront en réalisant aussi de véritables chefs-d’œuvre. Les pièces « classiques », tels les vases, sont souvent réalisées en verre multicouche gravé à l’acide. Les frères Muller fondent une véritable industrie qui emploiera jusqu’à 300 personnes. Et ce en dépit de leur exclusion de « l’École de Nancy », fondée en 1901 par Gallé, qui les empêche de participer aux expositions les plus prestigieuses. Comme nombre d’entreprises, ils ne se remettront jamais de la crise de 29 et fermeront les portes de la manufacture en 1936.

La suspension d’Yves n’est pas de style Art Nouveau mais Art Déco. Elle est typique de la production des années 1920. Elle se compose d’éléments en verre orangé et violacé dit marmoréen car il a l’aspect du marbre : une large vasque bombée de forme ronde en partie centrale et trois tulipes. L’armature est quant à elle en fer forgé, martelé et patiné. Elle présente un élégant décor naturaliste de fleurs et feuilles de rosier. Les tulipes sont retenues par des enroulements assez originaux. La vasque est signée. Les Muller sont coutumiers de cette heureuse association du verre et du fer forgé. On peut d’ailleurs dire que ce type de suspension est un de leurs produits phares dans les Années Folles. La production était donc importante et ce type de luminaire n’est aujourd’hui pas très rare. Mais étant de belle qualité et s’intégrant parfaitement dans un intérieur contemporain, les amateurs ne manquent pas. Ainsi Yves, pour le vôtre, comptez une estimation de 300 à 500 € en vente aux enchères, sous réserve de son état de conservation et de ses dimensions.
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