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La faïence de Blois : toute une Histoire !

Samedi 30 septembre 2017 à 14h

La Nouvelle République, Aymeric Rouillac


Cette semaine, Yannick, de Mareuil-sur-Cher soumet à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, une paire de vases en faïence de Blois. Passionné par sa nouvelle acquisition, il a déjà mené l’enquête mais certaines zones d’ombres persistent…

Qui ne connaît pas les faïences de Blois ? Reconnaissables entre mille, les plus célèbres (mais aussi les plus courantes) s’ornent d’emblèmes royaux : le porc-épic de Louis XII, l’hermine de son épouse Anne de Bretagne, la salamandre de François Ier ou encore le cygne de la reine Claude. Mais jamais aucun de ses souverains de la Renaissance ne les a vu car elles sont nées au XIXe siècle des mains d’un faïencier de génie : Ulysse Besnard.

Ce Blésois est d’abord un peintre talentueux qui s’essaye à la céramique au début des années 1860. Le succès ne se fait pas attendre. Adieu toile, bonjour faïence ! Grand érudit, il s’inspire des formes et des décors de la majolique de la Renaissance italienne pour des pièces usuelles. Il crée également des pièces uniquement décoratives qui reçoivent un superbe décor historiciste. Pensant à sa succession, il vend, en 1887, son fonds de commerce, ses moules et ses croquis à son neveu par alliance Émile Balon. Lorsqu’il décède en 1899, Balon a déjà les reines de l’entreprise bien en main. Il ne dispose pas du même prestige que son oncle mais son sens aigu du commerce lui permet de transformer un simple atelier en une véritable petite manufacture, présente tant en France qu’à l’étranger. La production change peu à l’exception des tableaux historiques qui disparaissent quasiment. De nouveaux modèles apparaissent également. Ils séduisent la bourgeoisie blésoise et les touristes étrangers, déjà forts nombreux à cette époque ! On sait cependant, par une lettre de sa main datée de 1904, qu’il peut quitter le registre renaissance : « Je puis faire tous styles, même le moderne ». Aussi, il déclare exécuter depuis la fin 1905 des faïences de style Louis XVI. C’est le cas des vases de Yannick.

De forme balustre, ces vases couverts sont émaillés bleu ciel poudré (couleur inventée par Balon), jaune, pour imiter la dorure, et blanc. Les anses adoptent la forme d’une tête de bélier, typique du style néoclassique tant affectionné par Marie-Antoinette. La panse est centrée d’un cartouche souligné de croisillons et centré d’un trophée. Celui du vase de gauche figure un caducée et une corne d’abondance, symboles du commerce et de la prospérité. Le vase de droite, lui, reçoit un trophée composé d’outils agraires. Ces éléments peuvent permettre d’identifier le commanditaire de ces pièces. Peut-être un riche propriétaire terrien qui, en plaçant un sablier ailé sur ce dernier trophée, souhaite se souvenir de la fulgurance de notre vie terrestre ? Voilà qui devait lui donner à méditer en revenant d’une journée frénétique à la Halles aux Grains, construite 57 ans plus tôt. Sous la base on lit « Ulysse Blois / 1907 / E. Balon Seur ». Tout est clair mais a manqué d’être masqué d’un cachet de cire rouge armorié et timbré d’une couronne de comte. Ne pouvant identifier les émaux (les couleurs) du blason, on ne peut l’attribuer à une famille.

Ces vases, très décoratifs, sont parfaitement exécutés. Mais Yannick ne nous a pas donné leurs dimensions… Difficile donc d’articuler une estimation. En parfait état et s’ils mesurent une quarantaine de cm de haut, comptez 300 à 500 €. La faïence de Blois séduit encore les amateurs !
En témoigne le franc-succès de la dispersion récente de la collection Pasquier, à Blois. Le record mondial d’une pièce en faïence de Blois est quant à lui toujours détenu par l’Hôtel des Ventes de Vendôme. Il s’agit d’un vase d’Ulysse acheté 7 200 € en 2011 par le château du Rivau, près de Chinon, qui l’expose dans la salle Jeanne d’Arc.

Pour ceux qui souhaitent pousser plus loin leurs connaissances sur cette merveilleuse faïencerie, on ne peut que les renvoyer à l’excellent ouvrage de Martine Tissier de Mallerias qui vient de paraître.
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