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Les trésors du Tour de France

Samedi 23 septembre 2017 à 07h

Cette semaine, Claude fait parvenir à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur la photographie d’une sellette sur laquelle repose une toiture. Son grand-oncle était couvreur, il suppose qu’il s’agit d’un ouvrage de compagnon.



Un toit en plein milieu du salon ! Quelle drôle d’idée ! En effet, ce qui s’offre ici à nos yeux n’est rien de moins que la couverture pointue d’une tourelle agrémentée de deux chiens assis. Elle est en tout point identique à un toit classique de notre région, fait d’ardoises et de zinc… mis à part le fait qu’elle mesure 70 cm de hauteur ! Elle repose sur une petite table de 95 cm, probablement en noyer teinté, qui ouvre par un tiroir en ceinture. Cette dernière a été fabriquée spécialement pour accueillir et exposer comme il se doit un tel ouvrage. Mais s’agit-il, d’un chef d’œuvre de compagnon ?

Le XVe siècle voit apparaître des groupements d’ouvriers appartenant à un même corps de métier dont le but est de s’entr’aider. Ils s’entendent pour trouver du travail et soutiennent l’un des leurs s’il lui arrive de se blesser, afin qu’il ne tombe pas dans la misère. Voilà l’ancêtre de la Sécu ! Rappelons que compagnon signifie « celui avec qui l’on partage le pain ».

La soif de l’excellence les pousse à entreprendre un long voyage dans l’ensemble du Royaume. C’est ce que l’on nomme le Tour de France. Ils enrichissent ainsi leurs connaissances en fonction des provinces traversées et des techniques de travail des matériaux qui y sont employés. L’apprentissage est long et seuls les meilleurs peuvent prétendre au titre de compagnon. Ce statut est attribué à l’aspirant une fois qu’il a fait preuve de ses mérites. La plus célèbre étape de ce rite initiatique est la réalisation d’un travail de réception, d’un chef d’œuvre. Unique et remarquable, d’une technicité époustouflante, il est une véritable synthèse des savoirs de l’artisan. Cette condition, obligatoire depuis le XVe siècle, doit toujours être remplie par les aspirants actuels : charpentiers, plombiers, chapeliers, serruriers, tailleurs de pierre, pâtissiers, etc… Et ce, après un Tour de France d’une durée de 3 à 10 ans selon les métiers, en changeant de ville tous les ans. Ce mode d’apprentissage et de transmission d’un savoir séculaire, indissociable du génie et de l’excellence français, a été classé au patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2010 par l’UNESCO.

La Touraine, de par sa situation géographique et les matériaux de grande qualité que l’on y trouve (bois, pierre de tuffeau, ardoise) a toujours été une province propice au compagnonnage. Rien d’étonnant donc que le Musée du Compagnonnage, unique au Monde, se trouve à Tours. Courrez-y sans hésiter, émerveillement garanti ! Pour nos amis Loir-et-Chériens, rappelons tout de même que le compagnonnage du sabot est né à Blois, s’il vous plaît !

La pièce de Claude, bien qu’impressionnante, n’est a priori pas un chef d’œuvre de compagnon couvreur. Elle ne semble pas assez aboutie. Rien à voir avec la "charpente compagnonnique" de Fisseau exposée au Musée de Vendôme : finesse, élégance, et caractère hardi comme ingénieux d'invention, la caractérisent. La nôtre, malheureusement est trop classique, sans originalité : simple maquette. Elle a en revanche parfaitement pu être réalisée au début du siècle dernier par son grand-oncle, amoureux de son métier, en guise de passe-temps. L’on peut aussi imaginer qu’à travers cette toiture il souhaitait, à l’occasion d’une exposition professionnelle, montrer à ses clients de quoi il était capable. Quoi qu’il en soit, ces rares ouvrages, très décoratifs sont fort recherchés… et cotés ! Sous réserve d’un examen de visu, celui de Claude peut être estimé entre 300 et 500 euros en vente aux enchères.
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