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GALANTE IVRESSE

Samedi 09 septembre 2017 à 07h

Cette semaine, Gérard, d’Herbault, écrit à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, afin de connaître l’histoire et la valeur d’un tableau.



Trois personnages sont représentés sur ce tableau. Un jeune homme vêtu d’un pourpoint brun, une fraise autour du cou, présente des grappes de raisin qu’il a déposées dans sa cape rouge à une jeune femme. Cette dernière, de profil, tend gracieusement la main pour cueillir quelques grains. Ses cheveux sont ornés de perles, tout comme sa robe bleue. Ils sont attachés, laissant voir sa nuque. De la main gauche elle tient ce qui s’apparente à un tablier blanc. Ceci se déroule sous le regard d’un joueur de flûte accoudé sur un socle de pierre qui porte un vase. La scène a lieu en extérieur, dans un jardin. À travers les grands arbres se dessine une montagne en arrière-plan. Le ciel est clair, c’est une belle journée de septembre.
Ce tableau présente un thème très apprécié au XVIIIe siècle : la scène galante. Ce genre s’inspire des scènes rurales flamandes et des scènes pastorales vénitiennes. C’est un peintre français qui va s’en rendre maître : Antoine Watteau. C’est lui qui baptise un de ses propres tableaux « Une feste galante » en 1717. Nous sommes sous la Régence. Louis XIV est mort et la Cour délaisse un Versailles devenu morose au profit de Paris. Les artistes se libèrent également des contraintes académiques. Ainsi, Watteau, figurera les occupations ludiques de la haute société qui se complait dans l’oisiveté. Un cadre bucolique et verdoyant accueille discussions, jeux, théâtre, musique et… badinages ! À cette époque où l’esprit et l’art de conversation tiennent une place primordiale, Watteau dépeint avec génie les sentiments qui habitent leurs personnages et tout l’art qu’ils développent dans leurs intrigues amoureuses, parfois condamnables. Car il ne s’agit rien d’autre que de cela ! C’est un vent libertin qui souffle sur cette peinture ; mais toujours en suggestion. Personne ne peut dire de quelle façon la scène se conclura… Nombreux sont ceux à prendre la suite de Watteau, de façon plus ou moins entreprenante… Ils se nomment Lancret, Fragonard ou encore Boucher. Leurs peintures sont le reflet d’un certain état d’esprit qui caractérise ce XVIIIe siècle libertin dont cet aphorisme illustre à merveille le tableau de notre lecteur : « Du fruit à la coupe, de la coupe aux lèvres, des lèvres à la couche ».

La toile de Gérard reprend toutes les caractéristiques de la peinture galante du XVIIIe et date de cette époque. Elle est bien peinte mais très certainement par un petit maître qui s’est inspiré des œuvres de grands artistes du siècle. Il nous est en revanche impossible d’apprécier son état de conservation d’après cette photographie. Est-elle très restaurée, rentoilée, présente-t-elle de nombreux repeints, des accidents ? Autant de questions auxquelles nous ne pourrons répondre qu’en l’observant physiquement. De plus, Gérard a oublié de nous donner les dimensions… Nous ne pouvons donc avancer qu’une estimation approximative et prudente autour de 500 €.
Dans le langage des fleurs si cher au XVIIIe siècle, le raisin offert à une dame signifie « je suis ivre de vous ». Les intentions de ce jeune homme sont donc claires, et son amour ardent. À travers lui, c’est notre amour pour les vignerons du département que nous témoignons, et nous leur souhaitons de bonnes vendanges !
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