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Fables sur les bancs de l'école

Lundi 04 septembre 2017 à 07h

Cette semaine, Kate soumet à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, deux tomes des Fables de La Fontaine dont elle souhaite connaître la valeur.



Pour débuter la rentrée… une petite interrogation : combien de fables de Jean de La Fontaine connaissez-vous encore par cœur ? Des générations d’écoliers ont appris la poésie et la morale à travers ses vers. À commencer par le Grand Dauphin, fils de Louis XIV à qui est dédié le premier recueil des Fables, publié en 1668. Suivront deux autres recueils, le dernier paraissant en 1694. La Fontaine se dégage du style académique - dont les tenants sont Racine et Corneille - en adoptant une grande liberté de style et n’hésitant pas à utiliser des expressions populaires. Ce qui n’enlève rien à son génie littéraire : au contraire ! Le succès est colossal et La Fontaine célébré pour la finesse de ses analyse des comportements humains, dépeints à travers les animaux. Ses 243 Fables font le bonheur de Molière et de Madame de Sévigné et sont bientôt traduites dans de nombreuses langues. Son infinie diversité de caractères donne lieu à un enseignement moral dont les Jésuites puis, après eux, les maîtres d’école, apprécient l’utilité pour l’éducation de la jeunesse. Les siècles suivants les adoptent avec le même bonheur et c’est sans interruption de faveur qu’elles continuent de nous enchanter, 300 ans plus tard.

Inutile donc de vous dire que les éditions des Fables sont légions ! Celle de Kate est la réédition moderne d’une édition de 1868. Publiée sous le règne de Napoléon III par la librairie Hachette, elle réunit l’ensemble des Fables en deux tomes. Ce qui fait le grand intérêt de cette publication, ce sont ses illustrations gravées sur bois par Gustave Doré : 84 en pleine page et 284 vignettes. Doré est le plus grand illustrateur et l’un des plus fabuleux artistes du XIXe siècle. Caricaturiste à quinze ans, ce touche-à-tout ne délaisse aucun matériau, aucune technique : dessin, aquarelle, peinture, gravure, sculpture. Il se rêve peintre d’histoire mais l’Académie le rejette. Ce sont ses illustrations qui lui valent un triomphe mondial. Elles subliment des monstres de la littérature occidentale : Don Quichotte, Gargantua, les Contes de Perrault, la Divine Comédie, ou encore la Bible. L’imaginaire de générations entières a été nourri par ses images. Qu’elles soient grotesques, inquiétantes, cocasses, grandioses ou terribles, elles dégagent invariablement une puissante atmosphère, souvent bouleversante. La place de Gustave Doré dans notre culture collective est prépondérante et son travail pour cette édition des Fables de La Fontaine y a grandement participé.

L’ouvrage de Kate est donc célèbre et remarquable à bien des égards. Malgré des rousseurs (tâches jaunâtres), il semble en bon état et est relié dans un similicuir rouge à ornements dorés. Il lui manque simplement une qualité pour avoir de la valeur : l’ancienneté. Une édition originale (1668) du premier recueil des Fables s’est vendue plus de 208.000 € aux enchères il y a deux ans. Une édition originale de la réédition de 1868 se négocie autour de 400 €. En ce qui concerne votre édition, qui date de la seconde moitié du XXe siècle, comptez au mieux dix fois moins, soit une quarantaine d’euros. Comme dirait La Fontaine : « C'est un trésor qui n'embarrasse point ».
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