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Trésor de carton

Samedi 29 juillet 2017 à 07h

Cette semaine, Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Danielle, de Chambray-lès-Tours, qui souhaite connaître l’estimation d’une « mappemonde ».



Vers 1492, peu avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, Martin Behaïm, cartographe et navigateur allemand, réalise le premier globe terrestre qui nous soit connu. D’un diamètre de 50 cm, il est en métal recouvert d’une carte en papier. Une sphère donc, car voilà belle lurette (depuis le Ve siècle avant J.-C.) que plus personne ne croit à cette histoire de Terre plate ! Non, le grand débat qui naît à cette époque est de savoir si la Terre est une planète immobile autour de laquelle tourne le soleil, ou l’inverse, comme le soutient Copernic. On ne tranchera qu’au XVIIIe siècle. On comprend l’intérêt de figurer le Monde sur un globe au fur-et-à-mesure que les relevés cartographiques se font plus précis, plus rigoureux. En effet, les déformations y sont moins importantes que sur une carte. Véritables outils scientifiques reflétant une technologie de pointe, les globes terrestres sont l’apanage des grands érudits. Après le globe de Behaïm et celui de Charlie Chaplin dans « Le Dictateur », c’est probablement celui offert à Louis XIV qui est le plus célèbre. Réalisé à Paris en 1683, il rejoint les collections du Roi en compagnie d’un globe céleste avec lequel il forme paire. Mesurant 4 mètres de diamètre (!), il est la somme de toutes les connaissances géographiques et commerciales de l’époque. Et c’est bien cela qui importe au monarque. Posséder ces globes est la preuve de la possession des dernières connaissances et découvertes. C’est une formidable arme géopolitique, et donc un véritable emblème de pouvoir. Cette notion qui fait du propriétaire d’un globe un homme puissant et érudit courra longtemps. Mais ces objets de grande valeur ne pourront intégrer toutes les chaumières qu’à la fin du XIXe siècle.

À cette époque, la cartographie s’est démocratisée et un nouveau matériau permet de fabriquer des globes à moindre coût. Il s’agit du carton bouilli. Le procédé est simple, du papier, du carton et des vieux chiffons sont broyés et mélangés à de la colle. Le tout, amolli à la vapeur, est ensuite coulé dans un moule puit « cuit » dans de l’huile de lin. Le Second Empire voit ainsi fleurir nombre d’objets et de meubles en carton bouilli finement laqués, peints et souvent incrustés de nacre, généralement pour imiter les objets de la Chine et du Japon. Les facteurs de globes trouveront également leur intérêt dans ce matériau bon marché, solide et léger.

Le globe de Danielle en est un bon exemple. Ne le confondez pas avec une mappemonde qui est une carte figurant toutes les parties du Monde en deux hémisphères. D’un diamètre de 32 cm, il mesure 60 cm de haut avec son pied en bois tourné et noirci. La carte collée sur le carton est imprimée en couleurs, et a la particularité de représenter les chaînes de montagne en léger relief. Réalisé à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, il est très certainement signé. Ce détail à son importance car certains fabricants sont plus cotés que d’autres. Il s’agit peut-être de Thury et Belnet, à Dijon. Ces globes sont très à la mode et fort recherchés. Si celui-ci est en bon état, comptez entre 200 et 300 €.
En entrant chez Danielle, une personne qui verra ce globe ne dira plus « que cette dame doit être savante ! ». En revanche, que de de rêves et de voyages imaginaires (dans des pays qui plus est n’existent plus) permet un tel objet ! Une occasion de vous souhaiter de belles et bonnes vacances avant de vous retrouver en septembre, la tête et les poches pleines de nouveaux Trésors !
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