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Un meuble fort ... commode !

Samedi 08 juillet 2017 à 07h

Cette semaine, Bernadette interroge Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, sur la valeur d’une commode.



Commode. Tout est dans le nom ! En effet, ce meuble est bien pratique et je serais curieux de savoir qui n’en possède pas au moins une chez lui ! Et pourtant, voilà assez peu de temps qu’on la retrouve dans les foyers français. Le premier de nos compatriotes à en profiter n’est autre que Louis XIV ! C’est son ébéniste favori, André-Charles Boulle - que Colbert désigne comme « le plus habile dans son métier » - qui la lui livre en 1708. Plus exactement il lui en livre une paire, comble du chic ! Ce meuble a l’aspect d’un coffre à deux tiroirs monté sur pieds. Il est d’ailleurs l’évolution du coffre, mais se trouve être bien plus pratique. Grâce aux tiroirs, on ne casse plus le dos en fouillant dans l’entassement d’affaires qu’il contient. Les Anglais le nomment d’ailleurs chest of drawers que l’on peut traduire par « coffre à tiroirs ». À l’imitation du Roi, c’est bientôt toute l’aristocratie qui s’équipe en commodes. D’abord destinées à la chambre, elles quittent peu à peu le domaine de l’intime et rejoignent les pièces de réception, devenant ainsi un meuble d’apparat. Au cours du XVIIIe siècle, les ébénistes rivalisent d’inventivité dans les formes et les matériaux. Ainsi, elles se parent de bois de placage exotiques, de marqueterie ou de laque. Elles sont en outre agrémentées d’une riche ornementation de bronzes dorés et coiffées d’un plateau de marbre précieux. Ce dernier est d’ailleurs invariablement le même que celui de la cheminée ! L’usage de ce meuble se démocratisant, les ébénistes s’adaptent à la bourse d’une nouvelle clientèle en produisant des commodes plus modestes. Et certaines Provinces et villes se spécialisent : à Nantes, La Rochelle ou Saint-Malo, elles sont constituées de bois exotiques massifs (l’acajou, notamment). Dans la vallée du Rhône, elles reçoivent une exubérante marqueterie de bois indigènes. En Provence, lorsqu’elles ne sont pas en noyer richement sculpté, elles sont peintes à la mode italienne.

Vous l’aurez remarqué, la commode de Bernadette ne provient pas du salon d’un grand château. De forme rectangulaire, elle reçoit un placage de noyer ordonné selon les nuances du bois pour créer un décor symétrique. Elle ouvre en façade par quatre tiroirs dont un se situe dans la doucine, la moulure sur laquelle repose un plateau de marbre gris Sainte-Anne. Provenant de Belgique, c’est probablement la pierre la plus utilisée dans le mobilier d’époque Louis-Philippe. Sa tranche, composée de deux moulures arrondies séparées par un sillon est dite en « double boudin ». Cette mouluration est une grande caractéristique du mobilier Louis-Philippe, justement. Aucun bronze ne vient orner cette commode, pas même au niveau des entrées de serrure. Fabriquée entre 1830 et 1850, elle meublait un intérieur modeste. Ce mobilier Louis-Philippe, quel qu’il soit, n’a aujourd’hui pas du tout la cote. Ajouter à cela le fait que la commode de Bernadette a régalé quelques insectes xylophages et vous obtenez une estimation ridicule qui se situe entre 50 et 100 €. Quelle tristesse pour un meuble de bonne facture qui a plus de 150 ans ! Alors profitez-en, meublez-vous avec des meubles anciens, solides et élégants. Ceux-ci ne finiront pas à la déchetterie au bout de quelques années comme leurs indignes descendants suédois au logo jaune et bleu…
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