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"J'ai vu passer les oies sauvages..."

Samedi 19 novembre 2011

Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac, expertise un paravent en soie brodé d’oiseaux en plein vol.

Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac, expertise un paravent en soie brodé d’oiseaux en plein vol.

En cette période de l’année les chasseurs ne seront pas insensibles au thème du paravent de notre lectrice. Sur quatre panneaux de soie, qu’on appelle « feuilles », des oiseaux prennent leur envol depuis des marais ou des branchages fleuris d’Asie. Chaque feuille présente une espèce de volatiles et de végétaux. Un paravent se lit de droite à gauche. On reconnait ainsi : paons, mésange à tête rouge, faisans, et hérons. Nous voilà en plein dans les paroles de la chanson de Michel Delpech « Par-dessus l'étang… soudain j'ai vu passer les oies sauvages » !

Les paravents naissent en Chine au IIIème siècle après Jésus Christ. Ils se déplacent facilement, avec le double avantage de séparer l’espace et de le décorer. Ce meuble est rapidement adopté dans toute l’Asie, et particulièrement au Japon. Les Japonais le trouvent si bien adapté aux risques de séisme qu’ils construisent désormais les murs de leurs maisons sur le principe du paravent : des feuilles de tissus dans un cadre de bois !

A partir du XVIIème siècle, c’est le tour des Européens de raffoler des paravents. Leur fonction sociale et utile est appréciée. Ils permettent de cloisonner les grandes demeures impossibles à chauffer en créant dans un seul lieu plusieurs ambiances pour réunir diverses compagnies… Au XIXème siècle, le paravent est l’accessoire indispensable du théâtre. On cache prestement derrière ces feuilles opaques un amant ou une maîtresse, qui sans lui aurait été(e) surpris(e). Au XXème siècle les plus grands artistes créent des paravents, comme le maître en tapisserie Jean Lurçat dont nous avons vendu une création il y a six ans à Cheverny.

Le meuble de notre lectrice date de la belle Epoque, avant la guerre de 1914. Son cadre en bois est joliment travaillé et chantourné. Les trois couleurs utilisées pour chaque feuille, le bleu, le blanc et le rouge rappellent celles du drapeau français. Le style des oiseaux et la technique de soie brodée est typiquement asiatique. Ce paravent a probablement été créé en Indochine, qui est à cette époque une colonie française. Des produits ont toujours été importés d’Asie : laque et porcelaine au XVIIIème siècle, paravent, bronze cloisonnés et meubles en bambou au XIXème, tee-shirt et informatique aujourd’hui.

Comptez sur une centaine d’euro d’estimation pour ce paravent, qui a gardé de belles couleurs et qui constitue un joli décor. Il sera de plus une source d’inspiration précieuse pour apprendre la botanique et l’ornithologie à des enfants, qui rêveront à leur tour devant ces quatre feuilles de soie… en regardant passer les oiseaux sauvages !
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