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DE LA CHAMPAGNE DU XVIe SIÈCLE À L’INVENTION DE L’INFORMATIQUE

Vendredi 23 juin 2017

La Gazette Drouot, Philippe Dufour

Deux vases chinois en porcelaine de forme identique, joliment nommée «gousse d’ail», ou suan tou ping, de l’époque Wanli (1573-1620), créaient une surprise malgré quelques petits accidents. Le premier, ci-contre, est décoré en bleu sous couverte et émaux polychromes «wucai», de dragons à cinq griffes à la recherche de la perle sacrée parmi des feuillages mouvementés. Il recueillait la somme de 178 600 €, qui se justifiait par l’existence d’un vase similaire dans les collections du musée de la Cité interdite à Pékin (cabinet Portier & associés).
Quatre beaux volumes grand in-4°, reliés en plein veau raciné, portant le symbole (une tour) de son supposé premier propriétaire, Henri-Jacques Marie Goüin, maire de Tours en 1795, se feuilletaient à 62 000 €… Ils contiennent la fameuse Histoire des oiseaux due à la plume du prolifique Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), et au talent de dessinateur de François Nicolas Martinet (1731-1800), ou plutôt les 1008 planches enluminées dans les ateliers royaux, contenues dans les 42 livraisons publiées de 1765 à 1783 sous la direction de Daubenton (M. Veyssière).
Cette pièce est due à la virtuosité de Jean Warin, graveur général des monnaies qui, à partir de 1640, va proposer à Louis XIII un nouveau monnayage sous forme de louis frappés au balancier et non plus au marteau. Il s’agit d’un Huit louis comptant parmi les plus beaux fleurons de la numismatique royale, avec les Dix et Quatre louis. Ces pièces dites «d’hommage» ou encore de «de plaisir» à l’effigie furent présentées au monarque avant l’adoption des nouveaux systèmes monétaire et technique de frappe. D’une qualité remarquable, elle méritait ses 210 800 €, record mondial pour cette pièce (Mme Vinchon).
Provenant de l’abbaye du Breuil-Benoît dans l’Eure, cette Vierge à l’Enfant (154 cm avec le socle) témoigne du degré d’élégance atteint dans le traitement des visages et du corps par les sculpteurs virtuoses de l’école champenoise au XVIe siècle. Ciselée dans un calcaire jadis peint et doré, la statue présente la Vierge debout sur un croissant de lune, et dans ses bras Jésus tenant une grappe de raisins que picore un oiseau. Cette iconographie dérive de celle d’une autre Vierge célébre, dite «aux raisins» de l’église Saint-Urbain de Troyes, chef-d’oeuvre à l’origine de bien des représentations semblables. Notre version culminait à 31 000 € (cabinet Sculpture et collection).
Rendez-vous incontournable pour tous les collectionneurs, la 29e vente aux enchères de la maison Rouillac s’est tenue les dimanche 11 et lundi 12 juin au château d’Artigny à Montbazon. Si, comme tout le monde l’a appris, la palme revenait à la sculpture en bronze de Camille Claudel, La Valse, adjugée 1 463 200 € (voir Gazette n° 24, page 201), bien d’autres pièces valaient le détour par leurs résultats impressionnants. L’ensemble des 175 numéros vendus rapportait une somme totale de 4 171 200 €… Le premier jour, qui voyait l’envolée de cette œuvre spectaculaire, consacrait aussi deux lots, antinomiques mais partis au même prix de 62 000 €. Il s’agissait pour le premier de la fameuse et complète Histoire des oiseaux, de Martinet et Buffon, quatre volumes grand in-4° édités entre 1765 et 1783, aux planches enluminées et surtout dans sa belle reliure fin XVIIIe. Tout l’opposait au second : le premier microordinateur de l’histoire, le R2E Micral-N de 1974, de fabrication française, et ici l’un des cinq derniers exemplaires connus, acquis par une firme de Seattle. Suivait une pendule Empire dite d’Athéna, sœur jumelle de celle du Salon vert de l’Élysée, qui tintait à 45 880 €. La Vierge à l’Enfant de l’école champenoise du premier tiers du XVIe siècle, avec ses restes de polychromie et de dorures, et malgré quelques restaurations postérieures, s’envolait jusqu’à 31 000 €. Un tarif identique à celui déboursé pour le bureau cylindre estampillé de J.H. Kiesling, richement habillé d’une marqueterie alternant essences claires et sombres. La deuxième journée enregistrait d’abord de beaux records pour l’or, à commencer par ces quatre lots mêlant 20 lingots, 40 pièces de 50 pesos mexicains, 200 souverains or, 100 pièces de 20 dollars US, provenant d’un incroyable coffre-fort tourangeau, et s’additionnant pour 977 000 €… Une pièce «d’hommage» de Louis XIII frappée en 1640 par Jean Warin, valait à elle seule 210 800 €, un record mondial pour ce type, inscrit par un acheteur suisse. Mais la Chine n’était pas si lointaine, avec ces deux vases de rare forme suan tou ping d’époque Wanli (1573-1620), cédés à 178 600 et 86 800 €.

MONTBAZON, ARTIGNY.
DIMANCHE 11 JUIN, ROUILLAC OVV.
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