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À l’heure des révisions

Samedi 10 juin 2017 à 07h

Alors que les lycéens révisent le baccalauréat, cette semaine, Marc, de Blois, écrit à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, au sujet d’une statuette en biscuit bien studieuse.



La statuette de Marc représente un charmant poupon. Assis dans le plus simple appareil, penché en avant, la jambe gauche appuyée sur un gros manuscrit, il dessine. Cette statuette en biscuit haute de 29 cm est l’œuvre du sculpteur Charles-Gabriel Sauvage Lemire (1741-1827). Actif au début du XIXème siècle, le musée des Beaux-Arts de Tours conserve une de ses œuvres, L’Innocence. Connue sous le nom de « l’Enfant dessinant », la statuette est dans sa version originale en bronze, conservée au musée du Louvre, accompagnée en pendant d’un « Enfant lisant ». C’est sous le règne de Louis XV que va naître ce goût pour les enfants dans les arts. Symbole de l’innocence et de la jovialité, ils sont mis en scène par les plus grands comme Boucher. Même l’influente Madame de Pompadour pour son château de Bellevue demandera au peintre Van Loo de peindre les Arts de l’Architecture, la Peinture, la Musique sous les traits de charmants bambins. Témoin du goût du XVIIIème, cette statuette est donc un biscuit d’édition dérivé du bronze, destinée à être posée dans une vitrine ou sur un meuble.

C’est en 1751 à la manufacture de Sèvres que fut inventée la technique du biscuit. Contrairement à la porcelaine recouverte d’une glaçure polychrome déposée lors d’une deuxième cuisson, on nomme biscuit la pâte qui ne subit qu’une cuisson. Sa principale caractéristique réside dans son aspect mat. Destiné à imiter le marbre, le biscuit sera naturellement utilisé pour la petite statuaire créée par de grands artistes comme Falconet ou Boucher.

Face au succès de ces groupes sculptés, les manufactures de porcelaine vont tenter d’imiter Sèvres avec plus ou moins de succès tout au long du XIXe. Copie dans la technique mais surtout copie dans les sujets quitte à attribuer une œuvre d’un artiste moins connue à un plus connu. C’est le cas de notre pauvre Lemire victime de damnatio memoriae !
Ici nulle trace de son nom car la manufacture pour des raisons commerciales à usurper son identité au profit du célèbre sculpteur Canova. En effet, plus vendeur que Lemire ce groupe sera tiré tout au long du XIXe par différentes manufactures sous le nom de sculpteur plus célèbre comme Pradier ou Canova.

Une autre marque sur la base du socle nous permet d’identifier l’entreprise à l’origine de cette usurpation, la manufacture champenoise Villenauxe. En 1856, Messieurs Letu et Mauger fabricants de porcelaine à Paris ouvrent en Champagne la manufacture de Villenauxe. Dès l’origine et jusqu’à sa fermeture en 1992, elle se spécialisera dans la production et la vente de statuaire d’édition en biscuit au mépris parfois d’une certaine vérité artistique…

La statuette de Marc fait partie de ces sujets d’édition produits à plusieurs centaines d’exemplaires. Malgré sa bonhommie et son bon état de conservation supposé, l’absence de son pendant « l’Enfant lisant » permet de l’estimer autour d’une cinquantaine d’euros.
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