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Une estampe dans le vent !

Samedi 03 juin 2017 à 07h

Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond cette semaine à Jean-Pierre qui souhaite connaître l’estimation d’une « gravure japonaise ».



La gravure est une technique de reproduction d’une œuvre graphique. Ce terme regroupe nombre de procédés utilisant une matrice travaillée en creux (bois, métal ou pierre), encrée, puis mise sous presse lors de l’impression. Le résultat obtenu est nommé estampe. De nos jours, d’une manière générale, l’artiste décide de réaliser un nombre limité d’estampes pour une même œuvre. Une fois ce chiffre atteint, il détruit la matrice, numérote et signe chaque feuille. En Occident, cet art est pratiqué depuis des siècles. Mais, à l’autre bout du Globe, c’est le Japon qui, au XIXe siècle, porte cet art au pinacle, forçant l’admiration des plus grands artistes.

Admiration qui se porte principalement sur les estampes de l’ukiyo-e, le « Monde flottant », et en particulier sur celles figurant des paysages. Les artistes de cette école quittent leur atelier pour partir en quête de la beauté et de la lumière, capturée en plein air. Ils célèbrent les éléments et de leur influence sur la nature. C’est toute la poésie d’un instant donné qui est transcrite dans l’estampe. On cherche d’ailleurs à saisir le plus d’instants possible, par le biais de séries, comme celle des « Cents vues du Mont Fuji », par Hokusaï. Tout cela ne vous rappelle rien ? Les Impressionnistes bien sûr !
Ils admirent et collectionnent les estampes japonaises. Monet en avait plus de 230, Van Gogh encore plus ! Il commence à acheter ces « crépons » vers 1855 et témoigne sa satisfaction dans une lettre à son frère : « Mon atelier est assez supportable, surtout depuis que j’ai épinglé aux murs toute une collection de gravures japonaises qui me plaisent fort ». Ils s’en inspirent aussi. Écoutez à nouveau Van Gogh : « tout mon travail est un peu basé sur la japonaiserie ». Bracquemond, Degas, Courbet, Pissaro, Rodin en possèdent. Elles émerveillent Baudelaire et Clémenceau.

Nous avons évoqué Hokusaï, dont vous connaissez probablement « la Grande Vague ». L’estampe de Jean-Pierre est l’œuvre de l’autre monstre sacré du genre : Utagawa Hiroshige (1797-1858). C’est principalement à travers ses œuvres que les impressionnistes découvrent le Japon. Hiroshige utilise la gravure sur bois pour transcrire les splendeurs de la nature. Cette dernière, dans ses compositions, est toujours animée par l’homme. Il est notamment célébré pour le traitement qu’il fait des éléments, en particulier la pluie et la neige. Ses dégradés bleus sont célèbres, l’estampe de notre lecteur en est un merveilleux exemple.
Le thème est bien sûr le vent. Il agite les branches du saule, fait plier les roseaux et… joue un mauvais tour à ce personnage contraint de courir après son chapeau ! Une touche humoristique chère aux Japonais. Cette estampe est authentique et intéressera certainement un collectionneur. Sous réserve de son état de conservation, nous pouvons l’estimer 400 à 500 € en vente publique. Quel dommage qu’elle ne représente pas « la Grande Vague » d’Hokusaï ! Souvenez-vous de celle vendue il y a trois ans à Cheverny… pour plus de 135 000 € !
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