Un hommage au travail
Samedi 06 mai 2017 à 07h
Alors que lundi dernier avait lieu la fête du Travail, cette semaine Jacqueline et Christian demandent à Maître Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, l’estimation d’un bronze particulier.
« Aux champs », est l’œuvre du sculpteur italien Tullo Golfarelli (1852-1928). Cette statue en bronze à patine dorée figure une paysanne appuyée sur sa houe, cet outil servant à biner la terre. La tête couverte pour se protéger du soleil, les manches retroussées, la main gauche posée sur sa hanche, sans sabot les pieds nus : elle fait une pause. Son visage est marqué et l’on ressent la fatigue de son labeur. Datée vers 1900, cette sculpture est un bronze d’édition comme l’indique le cachet du fondeur-éditeur Frédéric Goldsheider. Domicilié à Paris, il créé des bronzes de la fin du XIXe au début de la Première Guerre mondiale. Ce type d’objet connait à cette époque un engouement sans pareil. En effet, l’industrie du bronze d’édition démarre dans les années 1830-1840 grâce à l’invention d’Achille Colas qui permet de reproduire, réduire ou agrandir mécaniquement des sculptures. C’est un succès et nombres de sujets sculptés sont produits à différentes échelles. Présentée dans sa grande version de 68 cm - une autre de 31 cm est répertoriée - cette spectaculaire paysanne est un témoin du goût de la fin du XIXe.
« La nature retrouvée »
En effet, la représentation d’une paysanne aux champs est un sujet qui détonne. Fini les sujets antiques et allégoriques, la mode est aux travailleurs ! Cette vision du monde rural apparaît dans les années 1850. Devant l’industrialisation galopante de l’Europe certains artistes comme ceux de l’école Barbizon décident de quitter les villes grouillantes et bruyantes pour le calme des campagnes. Ils y découvrent et célèbrent un monde aux traditions séculaires à l’image du célèbre tableau de Millet L’Angélus (1859). Les peintres présentent cette « nature retrouvée » titre de la belle exposition sur Camille Pissarro actuellement visible au Palais du Luxembourg. Le paysan est alors ce pilier incontournable de la société, plus de 95% des catégories socio-professionnelles : la France est rurale.
Mais cette iconographie va céder sa place à une vision sociale et dure du labeur des travaux des champs. Émile Zola dans son roman La Terre (1887) décrit la vie rude d’un ouvrier agricole de Beauce. Ce monde agricole si difficile est alors en pleine mutation et la IIIème République commande aux sculpteurs, comme Jules Dalou, de grands monuments à la gloire de ces travailleurs. Tullo Golfarelli s’inscrit dans ce mouvement, après avoir reçu une formation classique à Rome et voyagé à travers toute l’Italie, il se tournera vers cette sculpture réaliste. Ainsi son œuvre « Aux champs » est un hommage au monde rural, dont cette femme parait en être l’incarnation.
Ce type de sujet, bien que spectaculaire par sa taille, est peu recherché actuellement. Par ailleurs, Golfarelli est un bronzier peu connu en France à l’inverse de Rodin, célébré actuellement au Grand-Palais. Pour ces raisons nous pouvons l’estimer entre 300 et 400 euros.